Thomas Day : Dæmone
roman de Science-Fiction, 2011
- par ailleurs :
Dæmone Eraser est le gladiateur le plus célèbre de l'Aire humaine. À travers les différents réseaux, ses combats attirent des milliards de spectateurs. Richesse et gloire lui appartiennent, mais son cœur reste habité par l'inconsolable souffrance liée à la perte de Susan, l'unique amour de sa vie. Aussi, lorsque l'Alèphe, un être supérieur qui observe l'Humanité depuis des siècles, lui propose de tuer cinq personnes pour avoir la chance de retrouver Susan, Dæmone accepte les cinq derniers contrats de sa vie d'assassin.
Si l'on peut ressentir une impression de déjà-vu à la lecture du dernier roman de Thomas Day, c'est tout à fait normal. En effet, Dæmone n'est pas à proprement parler une nouveauté puisque ce livre a déjà été publié, sous une forme un peu plus courte, en 2001. Dans les six pages d'entretien (avec Olivier Girard) qui, outre une bibliographie (établie par Alain Sprauel) et une nouvelle couverture, parachèvent cette réédition, Thomas Day explicite les diverses modifications intervenues par la nécessité de donner plus de relief au personnage de Dæmone Eraser, alias David Rosenberg, en s'intéressant un peu plus à son passé, à sa personnalité et à ses sentiments, autant de choses qui n'étaient qu'ébauchées dans la première version du texte. Il y a également la volonté d'intégrer plus encore ce roman au cœur des Sept Berceaux, une histoire du futur que Thomas Day construit lentement, mais sûrement, à travers divers textes de son œuvre grandissante.
Ces diverses modifications n'affectent cependant pas le cœur du roman qui reste très marqué par un esprit space opera et un goût comic book très prononcés. Entité supérieure et homme-chat font ainsi partie des personnages classiques des romans et des bandes dessinées de SF, des œuvres de Cordwainer Smith (les Seigneurs de l'Instrumentalité) comme de James P. Starlin (Dreadstar). Quant à la chasse au Kaïlinh sur Vérine, elle me rappelle un épisode de Star wars, version BD de Marvel Comics, écrit par Archie Goodwin et superbement illustré par Carmine Infantino, où les héros de George Lucas affrontent les dragons des mers du système Drexel. Autant de sources d'inspiration qui ont complètement disparu des textes les plus récents de Thomas Day qui intègrent de plus en plus de références à l'actualité, qu'il s'agisse de "la Ville féminicide" publié dans Utopiales 2010 ou bien de "Nous sommes les violeurs" paru dans Bifrost, nº 62, avril 2011.
Mais surtout, Dæmone demeure la quête insensée d'un homme à la recherche d'un amour devenu impossible. Héros tragique de cette histoire, David Rosenberg sait fort bien qu'il risque de perdre son âme en faisant le choix de tuer cinq inconnus pour ramener à la vie celle qu'il aime ou plus exactement celle qu'il aimait, mais il tente pourtant le tout pour le tout. À ce jeu, Dæmone Eraser se retrouve littéralement pris au piège entre deux sentiments de culpabilité, car il se sent coupable de n'avoir rien pu faire pour empêcher la mort de Susan, mais il se sait tout aussi fautif lorsqu'il doit ôter la vie à cinq personnes. C'était cette lutte intérieure qui donnait sa tonalité si particulière au court roman de Thomas Day, l'éloignant sensiblement de sa production de l'époque marquée par une hyperviolence et une sexualité débridée.
Sans atteindre la perfection, cette version remaniée des Cinq derniers contrats de Dæmone Eraser efface bon nombre des ombres qui planaient sur la version parue en 2001, tout en conservant ce qui faisait l'originalité d'un récit plutôt atypique au sein de la bibliographie alors naissante de Thomas Day.
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