Margaret Atwood : Neuf contes
(Stone mattress: nine tales, 2014)
nouvelles fantastiques
- par ailleurs :
Ce nouveau recueil de l'auteure de la Servante écarlate propose une plongée dans ses univers toujours si personnels, à travers neuf textes, Neuf contes.
Même si Margaret Atwood est associée, grâce à certains de ses best-sellers, au Fantastique et à la Science-Fiction, on se doit immédiatement de constater que les neuf histoires présentées ici n'appartiennent pas toutes à ces genres de littérature, certaines pouvant même être rattachées de manière évidente au polar ou au thriller. Cependant, l'ensemble de ces nouvelles porte la patte si particulière de la romancière canadienne.
Margaret Atwood est bien évidemment l'auteure de la Servante écarlate. Dans ce roman dystopique de 1985 publié en France par Robert Laffont en 1987, adapté au cinéma en 1990 par Volker Schlöndorff et devenu une série télévisée à succès en 2017, l'écrivaine crée une société dominée par la religion où certaines femmes sont cantonnées au rôle de reproductrices. Au-delà de cette sombre vision du futur, elle a également signé les trois tomes du cycle du Dernier homme (2003-2013) décrivant une fin du monde où expérimentations génétiques et complexe divin participent à la chute de l'Humanité.
Ce n'est pas cette plongée directe dans des univers dystopiques que l'on retrouve dans Neuf contes. En effet, les trois premières nouvelles de ce recueil, "Alphinland", "Revenante" et "la Dame en noir", qui se révèlent vite intimement liées l'une à l'autre, jouent plutôt la carte de la nostalgie à travers des personnages vieillissants qui se remémorent leurs souvenirs communs selon des points de vue différents. L'aspect fantastique réside ici dans ces fantômes du passé qui peuvent n'être qu'une illusion issue de l'imagination des divers protagonistes, ou bien une réalité cachée aux yeux du commun des mortels. Tout dépend du lecteur.
C'est ce même jeu que l'on retrouve dans "Je rêve de Zenia aux dents rouges et brillantes" où trois vieilles camarades se confient sur leurs amours et leurs attentes, avec la participation d'une petite chienne qui pourrait être la réincarnation de leur amie Zenia, ou qui n'est finalement qu'un banal cabot.
Les textes qui composent ces Neuf contes sont superbement écrits par Margaret Atwood. Ils donnent souvent le premier rôle à des femmes d'âge mûr, hantées par leurs regrets, leurs espoirs ou tout simplement leurs souvenirs. Et, lorsque ce n'est pas cette génération qui est au centre du récit, il y a toujours une femme forte qui est au cœur de l'intrigue comme Irena dans "la Main morte t'aime" ou Verna dans "Matelas de pierre".
Si la courte nouvelle "Lesus naturæ"(1) appartient plus franchement au genre fantastique avec une narration qui rappelle les non-dits angoissants de H.P. Lovecraft, c'est définitivement "les Vieux au feu" qui domine les neuf textes proposés par ce recueil.
Ultime des Neuf contes, "les Vieux au feu" est une histoire aussi finement ciselée que les autres nouvelles réunies ici. Il nous permet de découvrir le quotidien de Wilma dans sa maison de retraite de grand standing. Cette dame âgée perd la vue et voit des petits êtres danser autour d'elle, même si elle sait très bien qu'il s'agit d'une hallucination. Par contre, ce qui n'est pas une illusion, ce sont ces jeunes masqués qui font le blocus de l'établissement en brandissant des pancartes disant aux vieux qu'il est temps de partir définitivement. En quelques dizaines de pages, Margaret Atwood fait entrer le lecteur dans une dimension dystopique en poussant l'idée du conflit de générations à son paroxysme.
C'est finalement un sentiment de douce nostalgie qui domine la lecture de ces Neuf contes aux tonalités diverses et prenantes.
- Une note dans les remerciements nous précise que ce conte a déjà paru en français dans McSweeney's méga anthologie d'histoires effroyables, mais il ne s'agit pas de la traduction de McSweeney's enchanted chamber of astonishing stories comme indiqué, où l'on trouve le texte original, mais plutôt de McSweeney's mammoth treasury of thrilling tales, ce qui est tout à fait différent :-) — Note de Quarante-Deux.↑
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