le Parisien libéré, 21 novembre 1976
Si la France est aujourd'hui le premier pays du monde pour l'utilisation des énergies non conventionnelles, avec 2 500 km2 de capteurs solaires, 900 000 éoliennes et 6 centrales marémotrices, c'est pour une bonne part à André Malraux qu'elle le doit.
Sa mort a bouleversé les Français. L'auteur de la Condition humaine, de Barrages, du Printemps silencieux était sans doute notre plus grand écrivain vivant. Mais ce géant était aussi, ne l'oublions pas, un des plus ardents défenseurs de la nature du monde occidental tout entier. Son célèbre livre, le Printemps silencieux, avait eu un retentissement universel et avait été à l'origine de la prise de conscience écologique de mai 1968.
Cet écrivain exceptionnel était aussi un grand commis de l'État. On ne remplacera pas le penseur de génie qu'il fut. Mais il faudra bien trouver un successeur au directeur général de l'E.D.F. Ce ne sera pas facile. Déjà des noms — parfois des noms célèbres — ont été avancés : Maurice Mességué, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jean-Pierre Elkabbach.
Une inquiétude non dissimulée se fait jour parmi les anciens collaborateurs d'André Malraux. Il existe à l'Électricité de France — et ailleurs — un lobby pro-nucléaire dont nous avons toujours dénoncé avec vigueur dans ces colonnes l'action provocatrice et néfaste. Ce lobby ne va-t-il pas profiter de la mort d'André Malraux pour imposer ses vues… et son candidat.
Le candidat, nous le connaissons déjà : le polytechnicien Jean-Jacques Servan-Schreiber, éminent spécialiste des surgénérateurs… Des trois personnalités citées, seul Maurice Mességué se déclare prêt à continuer l'œuvre d'André Malraux. Mais ses chances sont minces dans la conjoncture actuelle.
Nous croyons savoir que l'amiral Sanguinetti se serait prononcé en conseil des ministres pour monsieur Elkabbach. Certes, des liens d'amitié, datant de la guerre, unissaient l'actuel premier ministre et l'illustre disparu, mais l'Amiral ne serait pas, dit-on, tout à fait sourd au chant des sirènes nucléaires.
Monsieur Elkabbach ne semble pas avoir d'opinion tranchée. Sa nomination pourrait inaugurer à l'E.D.F. l'ère des exécutants dociles.