« Un jour, je t'emmènerai sur la Terre de Joe, petit ! » disait-il au jeune Rob qui n'avait guère plus de cinq ans.
Son prénom était George, et beaucoup de gens, dont Paul Seidon, le père de Rob, l'appelaient “Jo”. Rob comprenait donc : « Je t'emmènerai dans mon pays… ». Il fallut quelques années supplémentaires à Rob pour soupçonner que le pays de George Chavalange était vraiment une autre Terre. Et aussi qu'il y avait dans le cosmos beaucoup de Terres différentes — des Terres où l'Empire britannique n'existait pas, où la France avait toujours été libre et indépendante, et toutes les variations historiques qu'on pouvait imaginer, et toutes celles qu'on ne pouvait même pas imaginer quand on était un jeune villageois de Falborough, dans le comté de Trois-Rivières.
À cinq ans, il avait déformé une fois pour toutes le nom de son ami. C'était trop naturel, trop tentant. Chavalange était devenu Chevalange pour toujours et à jamais.
Sur la Terre de Joe, beaucoup plus tard, Rob s'aperçut que cette modification d'état civil avait mystérieusement suivi l'éclaireur Wakana. (Si en 1940, le conducteur de locomotive Chevalange avait dit au petit garçon de Falborough : « En réalité, je m'appelle Wakana ! », le petit garçon aurait bien ri.)
Le petit garçon n'avait pas encore vu le village mauve.
Chevalange avait été ouvier-forgeron avec Paul Seidon, avant que celui-ci ne monte son propre atelier et n'achète une boutique. Devenu cheminot, il n'habitait plus le pays, mais le traversait souvent aux commandes d'une Britannic 231. Où vivait-il ? On n'en savait rien. Il faisait la ligne de Tolose. Peut-être avait-il une famille dans cette grande ville. Il allait quelquefois à Perris où il avait des relations dans les milieux indépendantistes. Et on le voyait souvent dans les cafés de Beaumont, le chef-lieu du comté.
Il avait joué un certain temps dans l'équipe de rugby de Falborough ; mais il était toujours absent quand on avait besoin de lui, pour l'entraînement, et parfois à l'heure du match. Il avait renoncé au sport, du moins il le disait.
La mère de Rob, Jane Seidon, parlait souvent de lui à son fils qu'elle emmenait sur le balcon de leur maison pour regarder passer le train. Rob croyait que Chevalange conduisait tous les trains.
Lui aussi deviendrait cheminot, quand il serait grand, et il conduirait à son tour de puissantes locomotives sur tous les rails du monde… Le monde, pour lui, commençait à l'horizon du petit balcon orgueilleux de la villa Victoria et s'étendait jusqu'à la Terre de Joe. Chevalange en était la mesure et la lumière.
Le petit garçon avait fini par découvrir que l'attachement du conducteur de locomotive pour sa jeune et jolie maman était la raison de ses fréquents arrêts à Falborough.
Rob le voyait peu ; mais cet homme fascinant avait autour de lui une existence latente, secrète, qui le rendait indispensable à la vie comme au rêve.
Et quand il venait officiellement à la maison, il ne manquait jamais d'évoquer la Terre de Joe ou quelque autre pays lointain et inconnu. Le père de Rob grognait d'un air bourru et haussait les épaules. Mais sa mère accueillait les allusions avec un doux sourire de connivence.
Peut-être avait-elle visité la Terre de Joe, en compagnie de Chevalange, sur une de ces fantastiques locomotives capables de quitter les rails pour se lancer sur la route, à travers la campagne, le désert, la forêt, la mer, le ciel…
À moins que Chevalange, sur sa Terre, n'eût le pouvoir de se transformer en un vrai cheval-ange, une sorte de Pégase à tête humaine pour emporter sa compagne blonde par monts et par vaux !
« Un jour, petit, je t'emmènerai sur la Terre de Joe… »
Ni ange ni bête, l'éclaireur Wakana était un déserteur. Quand il parlait ainsi à son jeune protégé, trichait-il délibérément ? Croyait-il retourner un jour sur le monde de l'Archum ? Espérait-il rentrer dans le rang d'une façon ou d'une autre ?
Peut-être se faisait-il de sa mission une idée qui n'était pas celle des hiérarques exterranés et souhaitait-il les convertir à sa propre vision des choses…
Il s'était laissé prendre corps et âme par ce monde, alors que sa tâche était seulement de préparer la venue d'un observateur et d'un groupe de colmateurs… Sans se mêler des affaires locales, naturellement.
Les affaires locales, il allait s'en occuper pendant près de dix ans. Au point de risquer de nombreuses fois sa vie. Et jamais, pourtant, il n'avait oublié la Terre de Joe. Rob pourrait en témoigner plus tard.
Enfant de riches — de nouveaux riches —, Rob entra à l'école anglaise de Falborough à l'âge de cinq ans.
Il y avait aussi une école française au village ; elle accueillait les enfants des paysans, des ouvriers, des petits employés et tous ceux que l'autre refusait pour n'importe quelle raison, et leur donnait un enseignement sommaire, au rabais. Le prolétariat de l'Empire n'avait pas besoin de s'instruire…
Les Seidon se comptaient au rang des bien-pensants. Ils allaient à l'église anglicane et possédaient quatre portraits du roi William IV : deux à la maison, un dans la quincaillerie, l'autre à la forge. D'ailleurs, Jane Seidon était née Mellors, de mère française, cependant : elle était à moitié anglaise. Son fils ne l'était donc que pour un quart, situation plus infamante qu'honorifique, d'où que l'on se plaçât pour la juger. Heureusement, Seidon pouvait passer pour un nom anglais.
Comment expliquer l'amitié de ces petits bourgeois tranquilles, respectueux de l'ordre, de la loi et de la religion, pour une espèce d'aventurier qui ne cachait pas ses sympathies indépendantistes ?
Eh bien, il aurait fallu expliquer comment une jeune fille cultivée, dont le père était un magistrat impérial, avait épousé un ouvrier-forgeron… alors qu'elle aimait son camarade.
Rob ne cherchait pas si loin, mais il avait conscience d'un mystère qui rôdait autour de sa famille.
Dans la rue, il choisissait ses copains parmi ceux qui connaissaient Chevalange et qui l'admiraient. Il ne les retrouva pas à l'école anglaise. Mais il fit la connaissance d'un garçon de deux ans plus âgé que lui, Norman Pirrie, qui appartenait à une famille de petits fonctionnaires de l'Empire mais approuvait les indépendantistes français et collectionnait les photos de locomotive.
Rob lui parla de Chevalange et promit de le lui présenter. Il jura que son héros venait d'un pays lointain appelé Terre de Joe et possédait là-bas une locomotive capable de se transformer sur un simple geste en bateau ou en avion.
Norman ne le crut qu'à moitié mais s'institua, en tant qu'aîné, son protecteur. Plus tard, une amitié fidèle les lia jusqu'au départ de Rob pour la Terre des Assaraws.
En même temps qu'un ami, Rob se fit aussitôt un ennemi. Biki de Beauroy était le fils d'un important personnage du comté, le leader du parti conservateur pro-anglais. Il n'appréciait pas de retrouver dans sa classe un fils de boutiquier aux relations douteuses. Et surtout de voir ce bambin gagner l'amitié d'un Pirrie, alors que lui-même s'y essayait en vain depuis qu'il savait compter five…
Les enfants de l'école anglaise adoptaient avec beaucoup de zèle tous les préjugés et soucis de leurs parents, sauf quelques-uns, comme le jeune Norman, qui en prenait le contre-pied.
Biki ayant découvert la dévotion de Rob pour Chevalange, se moqua haineusement de lui. « Ton chauffeur de machine est un négro. » chantonnait-il. « Ton chauffeur est un macaque, un youpin, un vaudran ! » Rob ne connaissait que le premier de ces mots.
Les Anglais et leurs amis l'employaient volontiers pour qualifier tous ceux qui n'avaient pas le teint rose et les cheveux blonds. L'éclaireur Wakana avait le teint très bronzé ; une épaisse crinière sombre coiffait sa tête osseuse. Il avait un type d'homme du sud ; il aurait pu passer pour Espagnol.
Les Espagnols étaient justement des négros, et aussi des cathos et des rouges. D'ailleurs, ces foutus moricauds venaient de se révolter contre le gouvernement de Sa Majesté : la guerre d'Espagne était commencée.
« Ton chauffeur est un sale négro catho rouge ! » criait Biki de Beauroy à Rob. « Un vaudran de la mer ! »
Rob ignorait tout des vaudrans. Quand il put lire des histoires d'aventures et de voyages, il apprit que les vaudrans étaient des sortes de démons de la mer, ennemis des Anglais, de Dieu et de la raison, des pirates-fantômes rusés comme le Diable et d'une cruauté sans nom. Du moins, c'est ce qu'ils étaient sur ce monde. Sur d'autres Terres, ils étaient sans doute autres.
Rob mordit Biki à la joue. Le sang coula : Rob ne devait jamais en oublier le goût, fade, salé, excitant. Il venait de déclarer sa guerre personnelle.
Bien des années plus tard, sur la Terre des Assaraws, il goûta le sang d'un homme. Cela arriva à un moment où il avait presque oublié sa haine de l'Empire britannique. Puis il eut le sang d'un soldat wedraogo dans la bouche. C'était un camarade qui avait été mordu par un reptile.
Et son sang avait le même goût que celui du petit Biki de Beauroy, un quart de siècle plus tôt. Rob se souvint de l'Empire et jura de reprendre la lutte, d'une façon ou d'une autre, dès qu'il pourrait.
Biki se plaignit au directeur de l'école et à ses parents. Paul Seidon dut aller au château de Godrest Manor présenter ses excuses au comte de Beauroy. Il ne pardonna jamais tout à fait cette humiliation ni à son fils, ni aux Beauroy.
Les larmes aux yeux, rouge, dressé, farouche, Rob affirma qu'il ne regrettait rien. Le soir où son père s'en alla à Godrest Manor, il eut sa mère pour lui seul.
Elle le consola tendrement. « Mon chéri, » disait-elle, « tu es mon fils. Comme tu es beau et brave ! Tu es mon fils ! »
Plus tard, Rob interpréta cette scène comme signifiant qu'il n'était pas le fils de Paul Seidon. Qui était son vrai père ?
Selon toute probabilité, le conducteur de locomotive Chevalange. L'éclaireur-déserteur Wakana. Cette question était somme toute sans importance. Et le nom de Seidon lui convenait mieux que celui de Wakana.
Jane Seidon était inquiète. Son mari ne revenait pas. La pendule comtoise du salon égrenait les minutes et les heures.
La jeune femme commençait à se demander si les Beauroy n'avaient pas jeté le malheureux Paul dans un cul-de-basse-fosse. Ces gens-là étaient au-dessus de la loi.
Elle prenait à pleines mains les cheveux clairs de son fils ; elle enroulait de longues mèches autour de ses doigts que Rob embrassait passionnément quand il pouvait les atteindre.
À minuit, Paul Seidon n'était pas rentré. Rob dormait à moitié dans les bras de sa mère. Il ne parvenait pas à se sentir coupable. Jane se mit à pleurer, d'abord en silence ; puis elle sanglota. « Mon Dieu, qu'est-ce qui va nous arriver ? Pourvu que… » Rob ne comprit pas qu'elle pleurait sur le destin d'un autre homme. « Que vais-je devenir s'il s'en va ? S'il se fait tuer en Espagne ? »
Car elle savait déjà que Chevalange allait partir pour la guerre… Déserteur de la paix, l'éclaireur Wakana serait un des premiers volontaires de la guerre d'indépendance espagnole…
Justement, Paul Seidon n'était pas tombé dans les oubliettes de Godrest Manor. Mais au retour, il avait fait un crochet par Beaumont ; il s'était arrêté dans un café et, hasard ou non, il avait retrouvé Chevalange et quelques militants indépendantistes.
Il y avait des Français et des Espagnols. Ces derniers se préparaient à rentrer dans leur pays pour se joindre à l'armée catholique rouge. Plus de la moitié du pays s'était soulevé contre les Anglais.
Chevalange aussi était décidé à s'engager, mais il hésitait ou il n'était pas prêt. On disait qu'il y aurait bientôt des brigades internationales, principalement germano-russes. Peut-être valait-il mieux attendre qu'elles fussent organisées. Les hommes avaient discuté une bonne partie de la nuit.
Paul Seidon était rentré à Falborough au matin, avec la satisfaction un peu trouble de la vengeance assouvie, et toute honte bue. Bien décidé à rester jusqu'à la fin de ses jours un petit commerçant bien pensant, dévoué à Sa Majesté.
Chevalange avait loué une maison pas très loin de Falborough, entre Pride et Beaumont. C'était une grande villa construite immédiatement après la guerre 10-17, mais que ses propriétaires avaient très peu habitée. Ces Hamilton voyageaient beaucoup.
Ils avaient aussi une propriété en Australie, une autre dans le Massachusetts, une troisième en Chine anglaise. Sir John occupait de mystérieuses fonctions auprès du vice-roi d'Amérique du nord. Il ne venait en Aquitania qu'une ou deux fois par an.
Pourquoi les Hamilton avaient-ils acheté cette maison sans style ni charme, pas très bien située non plus ? Personne ne le savait. Ni sir John, ni lady Olivia, ni leurs enfants s'ils en avaient, ne fréquentaient les habitants du comté. Même des gens riches, nobles et importants comme les Beauroy n'avaient aucune relation avec eux, malgré leurs désirs.
Une exception, pourtant surprenante et même un peu plus : George Chavalange. Quel rapport pouvait bien exister entre un aristocrate anglais, membre de la classe dirigeante impériale, et un conducteur de locomotive d'une modeste province appelée France ? Ou bien existait-il certains contacts entre certains agents secrets de l'Empire et certains envoyés de l'Archum — comme l'éclaireur Wakana ?
Chevalange avait loué la villa Prisca. Pour quoi faire ? Une maison de dix pièces pour un homme seul ? C'était suspect.
Selon les uns, il avait tout simplement abusé sir John et il comptait se servir de la maison pour en faire une base indépendantiste. Selon d'autres, il était un agent double et il travaillait la main dans la main avec l'Intelligence Service. Il voulait faire de la villa Prisca un nid d'espions…
Pendant quelques jours, quelques semaines peut-être, Chevalange vint très souvent à Falborough. Il prétendait être en congé ; mais la rumeur publique laissait entendre qu'il avait quitté la Société des Chemins de Fer.
« Un jour, Rob, je t'emmènerai sur la Terre de Joe ! »
C'était une obsession. Jane souriait d'un air tendre et sceptique, soit qu'elle mît en doute l'existence même de la Terre de Joe, soit qu'elle fût assez informée de la situation réelle de son amant pour douter qu'il rentrerait un jour chez lui en homme libre.
Et Rob rêvait au voyage. Et en attendant d'aller voir ce qui se passait sur une autre Terre, il visita la villa Prisca.
Un dimanche, pendant que Paul Seidon tapait la carte dans le café chic de Falborough, Chevalange les emmena, la mère et l'enfant, dans sa vieille Hotchkiss. Il n'y avait rien à voir à l'intérieur, ou presque, mais le jardin était une merveilleuse forêt vierge.
Rob joua longtemps et longtemps rêva entre les îles et les continents, les plages blanches et les savanes sauvages qu'il s'était inventés.
Sa mère et son ami étaient à l'intérieur. Il savait d'instinct qu'il devait les laisser tranquilles. Plus tard, il eut sa récompense. Chevalange vint le chercher.
« Viens, je vais te montrer quelque chose.
— Quoi ? »
L'homme secoua la tête en souriant. C'est ainsi que Rob vit pour la première fois le village mauve. À travers une lucarne sale… C'est du moins l'impression qu'il eut.
C'était un vasistas en forme de losange dans la porte d'une resserre en entresol. Si on tirait la porte en laissant le vasistas fermé, l'image persistait jusqu'à un certain angle. Puis elle s'éteignait brusquement. Elle disparaissait aussi quand on bougeait le vasistas sans toucher à la porte.
On voyait un village, assez petit, assez pauvre, assez banal. Sauf la couleur, bien sûr.
Mais ce mauve n'appartenait pas vraiment au village. C'était la couleur de l'air, du ciel, ou peut-être simplement de la vitre à travers laquelle on distinguait le paysage.
« C'est un simple hameau. » dit Jane. « Il n'y a pas d'église. »
Chevalange sourit.
— « Ou peut-être un village dans un pays sans églises… »
Jane insista : « Mais c'est l'Europe ! »
Chevalange s'approcha de la vitre et observa longuement le paysage mauve.
— « Oui, » dit-il enfin, « c'est l'Europe. Ou ce qui en tient lieu ! »
Rob monta de nouveau sur une chaise pour regarder.
— « On ne voit personne. Même pas d'animaux… »
Chevalange expliqua : « C'est une sorte de photographie. Tout ce qui bouge est flou. Mais avec un peu de patience et beaucoup d'attention, on finit par apercevoir les habitants et leurs bêtes. Quelquefois des véhicules aussi. Les uns et les autres n'ont rien de très particulier…
— Est-ce qu'on voit l'image tout le temps ? » demanda Jane.
Elle semblait de plus en plus nerveuse et tournait la tête à chaque instant, comme si elle était entrée dans la maison par effraction et craignait d'être surprise.
— « Non. » répondit Chevalange. « J'avais de bonnes raisons de penser qu'on la verrait aujourd'hui, mais je pouvais me tromper. »
Derrière la porte, il y avait seulement trois ou quatre marches qui conduisaient à une pièce obscure, jonchée de bouteilles vides, d'emballages, de récipients hors d'usage et de vieux vêtements. Entre quatre murs.
Lorsque cette porte était complètement ouverte, l'image s'effaçait de la vitre, qui était une vitre ordinaire. Quand on la refermait aux deux tiers environ, l'image réapparaissait. Elle s'agrandissait un peu au fur et à mesure qu'on achevait le mouvement. Elle devenait plus nette quand on éteignait la lumière ; mais elle persistait si on approchait une lampe allumée de la vitre…
Ces jeux ennuyèrent bientôt Rob, qui avait six ans. Tout bien réfléchi, ce village mauve était moins amusant que le jardin anglais.
Mais un soir, comme Rob sortait de l'école en compagnie de son copain Norman Pirrie, la vieille Hotchkiss de Chevalange s'arrêta à sa hauteur.
« Vous venez, les gosses ? Je vous emmène à la villa ! »
Rob et Norman se regardèrent. Une escapade ?
— « Est-ce qu'on verra le village mauve ? » demanda Rob en se hissant dans la voiture ?
— « Je ne sais pas. » dit Chevalange. « Ça se pourrait. Emportez vos mirettes pour le cas ! »
Le village mauve était au rendez-vous. Rob s'amusa beaucoup de la surprise de Norman, qui avait presque huit ans.
— « Qu'est-ce que c'est ? Où c'est ? Est-ce que ça existe ? »
Il tapait du pied, bourrait Chevalange de coups de poing en exigeant une explication. Et Chevalange souriait en faisant le mystérieux.
Non seulement l'éclaireur Wakana avait déserté, mais encore il violait délibérément l'éthique de la Maintenance en révélant aux habitants de la Terre sur laquelle il était en mission l'existence des autres mondes et pire encore, celle des brèches et des passages.
Peut-être s'accordait-il l'excuse du recrutement ; mais elle n'était pas valable pour Jane qui avait passé l'âge d'être recrutée. Et puisqu'il était déserteur, cela n'avait aucun sens.
— « Venez. » dit-il aux deux garçons.
Il les conduisit à une remise dans la cour. Puis il leur désigna une place et leur fit signe de regarder et d'attendre.
Rob et Norman regardaient autour d'eux sans comprendre. Le jeune anglais était nerveux et impatient. Le cœur de Rob battait très fort. C'était quand même une chouette vie, grâce à Chevalange et ses mystères.
Le soleil brillait dans la cour de la villa, envahie par les herbes folles. C'était l'été, un des derniers jours de l'année scolaire. Les grandes vacances s'annonçaient très belles.
La porte entrouverte projetait un rectangle de lumière sur le sol de terre battue de la remise. Les creux, les bosses et les sillons dessinaient la carte d'un monde étranger qui se gravait dans la mémoire de Rob.
Puis une ombre passa. Une ombre ? Rob leva la tête. Ombre de qui ? Ombre de quoi ? Cela aurait pu être une silhouette humaine. Mais où se trouvait-elle ?
Avec la main et les lèvres, Chevalange fit signe aux enfants de ne pas bouger. Avec les paupières et les yeux, il leur fit signe de continuer à guetter. L'ombre passa de nouveau et repassa.
Norman, ne pouvant tenir en place, s'avança un peu pour essayer de voir dans la remise. Son ombre se dessina également dans la tache de lumière ; elle était beaucoup plus courte que l'autre, la silhouette mystérieuse, et orientée en sens contraire.
Il n'y avait rien dans la remise. Ou plutôt, il y avait quatre murs et une vielle charrette entre, avec quelques objets sans valeur éparpillés sur le sol.
Norman revint. Il s'approcha de Rob et celui-ci vit qu'il tremblait. L'ombre reparut et s'immobilisa au milieu du rectangle de lumière. Elle esquissa un mouvement, comme si la silhouette invisible qui la projetait tournait sur elle-même.
On distinguait un bras, la tête…
Naturellement, cela aurait pu être un trucage. Norman Pirrie avait vu opérer des prestidigitateurs. Les illusionnistes étaient capables de produire des effets plus étonnants.
Mais Chevalange n'était pas un illusionniste. Et, d'ailleurs, pourquoi se serait-il amusé à ce jeu ? Finalement, l'ombre s'en alla et on ne la revit pas.
Norman soutint que Chevalange leur avait « montré des tours. » Rob fit semblant de se laisser convaincre. On ne discute pas avec un Anglais.
Mais il croyait au village mauve. Il le dessina, habilement pour son âge, et trouva la nuance pour le colorier. Ce chef-d'œuvre fit l'admiration de sa mère, mais suscita, on ne sait pourquoi, l'hilarité de Chevalange.
Quoi qu'il en soit, ces événements devaient marquer la vie de Robert Seidon.
C'est par la brèche de la ville Prisca qu'il s'en irait un quart de siècle plus tard. Un long périple le conduirait à la Terre de Joe, à travers la Terre des Assaraws.
Sans l'aide directe de Chevalange. « Un jour, petit, je t'emmènerai… » Non, le destin en avait décidé autrement.
Mais si on y songe, la réflexion de l'éclaireur Wakana n'était pas vraiment l'énoncé d'un projet. Elle ressemblait plutôt à une semence, jetée à dessein dans un jeune esprit.
La plante germerait : elle était le projet. Par ces mots, Wakana-Chevalange avait fait du jeune Rob son héritier spirituel.
Un jour, Rob partirait. Seul… Il franchirait le passage. Il aborderait une autre Terre. Il découvrirait le continuum de Sierpinsky. Il parviendrait fatalement à la Terre de Joe, puisque tous les chemins de l'univers menaient à l'Archum.
Alors, il comprendrait le but secret de l'éclaireur et il le reprendrait à son compte. Il entrerait dans la Maintenance. Il deviendrait colmateur ou autre chose, mais seulement pour servir à l'accomplissement de ses fins personnelles…
Wakana le déserteur avait-il vraiment voulu cela ? À force de s'interroger, au cours d'un long exil sur la Terre des Assaraws, Rob avait fini par s'en convaincre.
La plupart des données lui manquaient et pourtant il avait presque réussi à reconstituer la vérité.
Plus tard, sur la Terre de Joe, il put retrouver quelques-uns des éléments qui lui manquaient et reconstituer entièrement le puzzle. Et à ce moment-là, il fut piégé définitivement.
Il ne pouvait plus refuser l'héritage de Wakana.
Chevalange disparut. Il était parti pour la guerre d'Espagne. Rob ne fut pas surpris. On en parlait depuis longtemps. Et puis c'est le destin des héros d'aller se battre. À Falborough, les héros étaient rares. Personne ne le suivit.
« Un rouge, » disait-on, « un catholique, un communiste ! » Pour les Anglais, tous les catholiques étaient également communistes.
Certes, le pape Innocent XII venait de se rallier au marxisme-gramscisme. Mais un des plus importants dominions européens, le Deutscher Zollverein, bien que protestant et anglican aux trois quarts, avait élu un président communiste, Robert Ley. L'Allemagne était née.
Le parti communiste d'Urrea semblait très près du pouvoir, qu'il détenait même dans certaines républiques asiatiques.
En Espagne, une junte dirigée par Gil Robles, Llorenç Puig y Rododera et Largo Caballero avait proclamé la République.
L'Empire britannique se lézardait de toutes parts.
Chevalange avait dit avant son départ : « Ne croyez pas que ce soit déjà la fin. Il faudra encore beaucoup d'années de lutte pour venir à bout du vieux lion ! ».
Bien sûr, événements, informations et débats échappaient en grande partie au jeune Rob qui commençait tout juste à lire couramment.
Pourtant, une phrase resta dans sa mémoire : « Il faudra encore beaucoup d'années de lutte pour venir à bout du vieux lion ! ».
Lorsqu'il arriva sur la Terre de Joe, venant du monde des Assaraws, on était en 1978 sur la plupart des Terres de chronologie chrétienne (et en 704 de l'Ère moderne chez les Assaraws).
Il y avait un peu plus de quarante ans que l'éclaireur Wakana avait prononcé cet avertissement.
Rob se sentait jeune grâce à la cure qu'il avait suivie chez les Zagwés de Danukil, mais les années étaient là. Quarante bon poids. Et l'Empire britannique était toujours debout… Rob était depuis longtemps sans nouvelles de sa Terre ; mais il s'était renseigné dès qu'il l'avait pu auprès des Exterranés.
Il avait rencontré l'ingénieur Rakkar, sur la recommandation de Joseph Jessenko, observateur en poste sur la Terre des Assaraws. Ulysse Rakkar avait la charge d'un groupe de Terres qui comprenait notamment les mondes codés “Assaraws”, “Empire britannique”, “U.S.A.-U.R.S.S.”.
Il avait conduit Rob devant un terminal. À cette époque, Rob parlait encore assez mal la L.T.M., la langue exterranée, et la conversation avec Rakkar eut lieu en anglais.
L'ingénieur traduisit les données en provenance d'un centre d'observation, qui défilaient sur l'écran du terminal en idéogrammes pressés.
En un mot comme en cent : l'Empire était toujours là, un peu ébranlé par les guerres d'indépendance, les conflits extérieurs, et les soulèvements révolutionnaires, mais solidement arc-bouté sur ses bastions militaires.
Cent vingt porte-avions, quatre cents sous-marins, dont cinquante sous-marins atomiques, et depuis quelques années un certain nombre de missiles à tête nucléaire. Aucune autre puissance de cette Terre ne pouvait encore se mesurer avec les Anglais.
L'Union des Républiques russes se relevait péniblement de sa défaite de 1948. C'était un protectorat de fait.
Le Japon restait le seul rival ; mais le traité de Hong-Kong lui interdisait de posséder une marine de guerre.
Un jour peut-être, le dominion d'Atlantique, qui regroupait trente-cinq ex-colonies, du golfe du Mexique à la baie de Hudson, exigerait son indépendance totale et se dresserait à son tour contre l'Empire. Mais pas avant la fin du siècle, juraient les augures…
Oui, on en était là, quarante ans après le départ de Chevalange pour la guerre d'Espagne qui devait provoquer la chute de l'Empire. Du moins quelques-uns le croyaient. Mais pas lui.
Il avait fallu trois ans à l'armée anglaise, appuyée par des troupes portugaises, marocaines, éthiopiennes et indiennes, pour venir à bout de la jeune République espagnole. Plus vingt ans de répression…
Après, il y avait eu la grande guerre européenne. Depuis 1917, l'Union douanière allemande n'avait cessé de croître. En étendue et en puissance. Mais elle était complètement encerclée par les terres impériales : colonie de Hollande, de France, de Hanovre, empire d'Autriche-Hongrie, associé à la Couronne.
L'Autriche et la Russie avaient de nombreux conflits de frontière sur la Vistule et le Dniestr, ainsi que dans les Karpathes. La Russie était l'alliée du Deutscher Zollverein…
En 1940, eut lieu le premier soulèvement de la colonie de Hanovre, qui échoua. Les troubles persistèrent dans toute la province, en particulier dans les régions proches de la Westphalie et du Mecklembourg, jusqu'en 1942.
Fin 1941, la Russie déclara la guerre à l'Autriche. Il y eut une percée russe en Bessarabie et une percée autrichienne en Galicie, puis la situation se stabilisa pendant l'hiver 41-42 tandis que les Anglais attaquaient assez mollement la flotte russe de la Baltique et ses ports d'Extrême-Orient.
En 1942, un catholique rhénan, Joseph Göbbels, devint chancelier du Reich allemand. Violemment anti-Anglais, Göbbels cherchait un prétexte pour rompre les derniers liens qui rattachaient encore l'Allemagne et l'Empire. Il encourageait directement les indépendantistes du Hanovre, jusqu'au deuxième soulèvement de la colonie.
La grande guerre européenne éclatait en juin 1942. Avec son grand allié Boukharine, président de l'Union des Républiques russes, Göbbels défiait l'empire et se faisait fort de l'abattre.
Après avoir conquis la Hollande, la France, une partie de l'Autriche et des Balkans, il se retrouva en avril 1948 dans son bunker d'Altenburg défendu par quelques milliers d'hommes de sa garde personnelle, mais assiégé par la première et la deuxième armée britannique, trahi par les Russes et abandonné par ses propres généraux.
Il devait se suicider au moment de l'assaut final avec sa femme et leurs cinq enfants.
L'Allemagne allait redevenir pour quarante ans de plus un sage dominion. Après la prise de Moscou par Montgomery, la Russie capitulait sans conditions le 17 octobre 1948.
Pendant l'occupation allemande, assimilée par beaucoup à une libération, les indépendantistes français s'étaient scindés en deux tendances. L'une se ralliait plus ou moins à Göbbels, proclamait la république de Montpellier, et créait la Légion des Volontaires contre l'Empire de l'amiral Darlan.
L'autre, animée par Jean Moulin et André Malraux, rejoignait les forces pro-britanniques contre la promesse d'accorder à la France le statut de dominion après la fin de la guerre.
Ce fut dans cette seconde tendance que s'engagea Chevalange en 1944.
Promesse qui ne fut qu'à moitié tenue. En 1948, Perris devint Paris, capitale de France-Nord, province autonome. Tous les anciens territoires du gouvernement de Montpellier étaient exclus du statut de pré-dominion.
Après les troubles de 1950-51, la France-Nord elle-même perdit la plupart des avantages de ce régime et retrouva une servitude administrative et militaire presque complète.
Ainsi tourne la roue de l'Histoire, et l'Empire est toujours là.
Il ne crèvera donc jamais ?
Naturellement, sur d'autres Terres, il y avait une autre Histoire, d'autres histoires, d'autres problèmes.
Certaines affaires étaient inter-terrestres. Là, intervenaient la Maintenance et les colmateurs.
En 1980 de la chronologie chrétienne centrale, en 706 de leur propre ère, les Assaraws avaient réussi à ouvrir ou à agrandir plusieurs brèches et ils avaient commencé à envahir un monde voisin… qui se trouvait déjà dans une situation tendue, presque au bord d'une guerre générale.
L'ingénieur Ulysse Rakkar et le chef de division Herb Drake organisèrent une opération de colmatage, à laquelle participa Robert Seidon…
Mais cela est une autre histoire, d'autres histoires. La vie et les histoires des colmateurs.
Pendant que Chevalange était à la guerre, Jane Seidon s'occupait de sa maison.
Elle ouvrait les fenêtres une fois par semaine et dirigeait une fois par mois une grande opération amphibie contre les souris, les araignées, les cafards, les salamandres et la poussière.
Son fil l'accompagnait souvent.
Rob vit une nouvelle fois le village mauve, dans un bassin circulaire où nageaient dans l'eau croupie les premières feuilles mortes de l'automne 1938. Cette eau semblait animée par un lent tournoiement. Mais les feuilles restaient immobiles. En réalité, c'était l'image qui tournait.
Le même village mauve, avec ses pauvres maisons au toit de chaume, et de grands arbres tout autour.
On distinguait aussi une sorte de minaret à la périphérie et une curieuse construction arrondie, une coupole, au milieu des maisons basses. De plus, un grand nombre de silhouettes floues semblaient glisser sous l'image. On avait l'impression de les apercevoir à travers une vitre dépolie.
Peut-être parce qu'il était seul, Rob fut bien plus fasciné que la première fois. Plus angoissé aussi.
Les conditions d'observation étaient complètement différentes. L'image était beaucoup plus grande, mais cachée en partie par les feuilles mortes.
Un instant, Rob eut l'illusion d'être tapi derrière un arbre et de plonger son regard directement dans un autre monde à travers les feuillages. Il faillit basculer en avant et tomber à l'eau.
En même temps, il éprouvait une frustration intense car il ne pouvait atteindre la réalité qui correspondait à cette image, à ce reflet… Les larmes lui vinrent aux yeux.
Son destin se joua en quelques minutes. Le souvenir du village mauve, il allait l'enfouir au plus profond de sa mémoire et de son inconscient. Il allait le refouler pendant de longues années, presque vingt-cinq ans.
Mais le moment venu — car le moment viendrait —, il le retrouverait intact, brûlant. Et cette brûlure allumerait dans son âme d'adulte une flamme qui ne s'éteindrait jamais.
Quelques jours plus tard, la femme de charge que Jane avait embauchée pour entretenir la villa Prisca déclara qu'il se passait dans cette maison des choses abominables et qu'elle n'y remettrait plus les pieds.
On l'interrogea : « Quel genre de choses abominables ? ».
La femme était anglicane. Elle précisa : « Des diableries papistes ! ».
Puis les autorités apprirent la “trahison” de Chevalange. Ses biens furent saisis. Sir John Hamilton reprit possession de sa maison et de la ferme.
À cette occasion, Jane Seidon put échanger quelques mots avec le haut personnage impérial.
Sir John lui dit à voix basse, en souriant : « Ne vous inquiétez pas, Madame. Ce n'est qu'une infime péripétie dans l'immensité de l'univers et du temps… »
Jane répéta souvent cette phrase mystérieuse à son fils. Quarante ans après, le colmateur Robert Seidon y songeait encore. Elle pouvait être interprétée à plusieurs niveaux : il n'était pas sûr d'en avoir percé le sens ultime.
Après la guerre européenne (42-48), Chevalange, amnistié par le roi pour sa participation à la guerre d'Espagne, et chef de la résistance anti-germanique dans le comté de Trois-Rivières, était au faîte de la gloire.
Mais la renommée de Chevalange devait paraître bien dérisoire à l'éclaireur Wakana.
Il aurait pu être le premier bourgmestre de Falborough. Le comté de Trois-Rivières avait été rattaché pendant l'occupation au gouvernement de Montpellier, mais s'était rallié avec quelques autres en Aquitaine aux Forces françaises de l'Indépendance (pro-anglaises) ; il bénéficiait partiellement du statut accordé à la France-Nord. Grâce à Chevalange…
Falborough, Beaumont, Pride, Saracastle : il n'avait que l'embarras du choix. Les électeurs ne l'auraient pas boudé.
Même le comte de Beauroy, qui s'était trouvé du mauvais côté, lui devait la vie. Tout le comté avait pour Chevalange les yeux de Jane Seidon.
Alors, l'éclaireur Wakana s'en alla. Il avait déserté. Il avait pris parti dans une affaire qui ne le regardait pas. Et il avait finalement échoué, car le résultat obtenu était de toute évidence sans commune mesure avec son ambition.
Il lui fallait retourner sur la Terre de Joe, se présenter devant les cosmorecteurs de la Maintenance, pour être jugé… C'était logique. Il s'était forcément passé quelque chose comme ça. Enfin, sans doute. Peut-être…
Rob jura alors de le retrouver et de le rejoindre. Une fantastique poursuite allait commencer. Pendant des années, il la mena dans sa tête, en secret. Puis, un jour, à son tour, il franchit la brèche.
Sur la Terre des Assaraws, et plus tard sur la Terre de Joe, Rob crut avoir reconstitué les faits, à partir d'informations fragmentaires d'origines diverses.
Après avoir vécu longtemps en France britannique pour sa mission, Wakana était devenu français de cœur. Il s'était passionné pour la cause de l'indépendance. Il avait voulu se mêler aux luttes que les peuples colonisés menaient contre l'Empire. Il avait déserté pour cela. Et c'était une erreur.
En tant qu'héritier spirituel de George Chavalange le transfuge, lui, Rob, devait profiter de cette expérience et ne pas commettre la même erreur…
Que faire ? Je dois m'intégrer à la hiérarchie exterranée, décida-t-il. Je dois devenir un fidèle serviteur de l'Archum. Et le jour et l'heure venus, je me servirai du pouvoir de la Maintenance contre l'Empire !
Et pourtant… Si l'éclaireur Wakana n'était pas un déserteur ? S'il n'avait fait semblant de déserter que pour accomplir une plus haute mission ? Une mission secrète aux yeux même des ingénieurs et des colmateurs de la Maintenance ordinaire ?
S'il était en réalité un agent spécial des maîtres de l'Archum ? Et si le mystérieux sir Hamilton était aussi un envoyé des cosmorecteurs ? Si le colmatage et la maintenance cachaient une opération infiniment plus large et plus complexe ?
Et si Wakana-Chevalange attendait son fils spirituel au fond de l'espace ou du temps pour lui remettre le véritable héritage ?
Aujourd'hui, en 1983 de la chronologie chrétienne centrale, Robert Seidon suit toujours les deux pistes, sans pouvoir se décider à choisir.
Colmateur de la Maintenance, il se prépare toujours à sa guerre personnelle contre l'Empire. Mais il n'a pas encore commencé les hostilités.
Il cherche toujours Wakana qui semble avoir totalement disparu. Certains indices lui donnent à penser qu'il se rapproche. Il est persuadé qu'il retrouvera bientôt l'éclaireur perdu.
Mais ce n'est pas une raison pour oublier l'Empire.