Alain Dartevelle : Imago
roman de Science-Fiction, 1993
Le dernier roman d'Alain Dartevelle, Imago, possède toutes les vertus et les défauts d'un rêve, sa complication structurelle, ses joyaux d'absurdités et son appétence aux métamorphoses. Il se gonfle et vous enveloppe dans ses replis sensoriels. Avec, au bout du réveil, le sentiment d'avoir approché la révélation, conjoint à celui d'une frustration intense. Sitôt la dernière page refermée, il vous donne envie de s'y replonger afin de comprendre le sens de l'itinéraire onirique traversé.
Qui pousse ainsi Woody Keller, le meilleur des Woody, ou Philéas Lord à emprunter le Beau Trajet ? Qui conduit les champions à suivre ce parcours dangereux, semé d'énigmes, sur les rivages de Quesaco ou dans le désert de Djild ? C'est le désir de plaire au père, le mystérieux docteur Sigmund F. C'est l'envie de le rejoindre à l'Omphale, au cœur d'Imago, de participer à l'élaboration des futurs scénarios avec les membres du Directoire. Enfin, c'est l'approche des plaisirs humides que délivre l'éternelle Wanda. Comme toutes les femmes d'Imago, sa vie sans but est l'objet des passions refoulées.
Cela posé, il ne faut pas croire qu'Alain Dartevelle va se contenter de vous séduire par ce récit métaphorique d'un parcours psychanalytique. L'ombre cruelle du docteur Sigmund, fumant cigare sur cigare malgré son cancer de la bouche et sa mâchoire artificielle, plane sur le sort des candidats. Leur choix oscille entre l'envie de fuir la réalité en se gavant de drogues inventées, le gangin Moreno ou le chewing gum Éclair, et celui d'affronter les monstres automatiques, mis en place pour barrer leur accès au futur.
Face à l'angoisse qui naît de ce dilemme, Sigmund F. leur répond : « Futur est un mot vide de sens, car seul existe le temps que l'on s'invente. Et je travaille dans l'actuel, quel que soit le lieu où ma pensée se manifeste. »
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Ce roman friserait donc par sa complexité le parcours du combattant dans un asile psychiatrique, si l'écriture d'Alain Dartevelle ne lui conférait une belle architecture. Le monde clos, étouffant, où se débattent ses héros inconscients, ressemble terriblement à un univers qui nous serait proche, grâce à la magie des mots, au charme d'un style précis, élaboré.