James P. Blaylock : le Temps fugitif
(Lord Kelvin's machine, 1992)
roman de Science-Fiction
- par ailleurs :
Choisissez un coquelicot avant qu'il ne s'épanouisse. Versez délicatement à son pied du désherbant total. Comme ce produit agit lentement, le coquelicot va fleurir ; puis dépérir en passant par toutes les nuances des couleurs malades, du rouge au rose évanescent. C'est ainsi que James P. Blaylock traite sa prose. Situé à mi-chemin entre le fou littéraire et le névrosé de la fiction spéculative modern style, un écrivain pareil s'arc-boute sur ses positions. Il conforte livre après livre sa légende d'excentrique jubilatoire. Rivages, qui vient d'avoir l'excellente idée de sortir une nouvelle collection spécialisée dans la SF, publie une de ses œuvres de 1992, le Temps fugitif, pour l'inaugurer. Celle-ci répond à la démarche que je viens d'esquisser.
Par une nuit victorienne, Langdon St. Yves voit périr sous ses yeux Alice, sa fiancée, tuée par l'abominable Narbondo. St. Yves est un savant génial, un artiste. Il vient d'apprendre que Lord Kelvin a inventé une machine capable d'inverser le pôle nord en pôle sud. Tout ceci pour éviter qu'une gigantesque comète ne s'écrase sur la Terre. St. Yves pense qu'il serait plus simple d'accélérer l'allure de notre planète en usant de la poussée de ses volcans, réveillés par une formidable armée de fantassins marchant au pas cadencé avec un rythme parfait.
Bientôt, l'auteur ne parle plus ni de cette menace ni de ce projet saugrenu. La machine s'est perdue en mer au large de la Norvège. Quand St. Yves la retrouve, elle est capable de voyager dans le temps. Prétexte à jouer avec les paradoxes qu'il crée dans le futur et dans le passé, pour récupérer sa fiancée assassinée.
De jolis traits d'humour baroque, une suite de péripéties affolantes, des considérations scientifiques divertissantes ne font malheureusement pas de ce roman la perle rare que l'on attend un jour de Blaylock. La distance qu'il entretient avec son récit, le manque de consistance de ses personnages amènent un désenchantement progressif du lecteur.
Enfin, grave lacune, l'éditeur n'a pas cru bon de nous fournir une table des matières pour s'y reconnaître dans cette histoire si fertile en rebondissements. Surtout qu'il disposait de trois pages blanches en fin de volume. De la matière, sans table, comment voulez-vous la déguster ?