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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 5 Roll over Amundsen – 1

Keep Watching the Skies! nº 5, octobre 1993

Jean-Claude Dunyach : Roll over Amundsen

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Amundsen lui-même veut très tôt donner le ton : « Ceci, mesdames et messieurs, est du rock'n'roll » dit-il dans un français qui sent la version doublée. Jean-Claude prend des risques, et sans doute plus qu'il ne le croit : évoquer les mânes de Chuck Berry et créditer en fin d'ouvrage Alain Chamfort de la bande-son, ça craint ! On finirait par se demander si Jean-Claude Dunyach comprend vraiment le rock, ou du moins s'il cherche à le comprendre, souvenons-nous qu'il l'a lui-même pratiqué, et a fini par choisir d'exercer ses talents dans la musique dite de “variété”. Ici, il donne plutôt l'impression de s'essayer à un “à la manière de Roland C. Wagner”.

Le protagoniste/narrateur est certainement à l'image des jeunes gens pourchassés de notre grand auteur banlieusard : sans un rond, artistiquement discrédité et conscient de sa déchéance, celui qui ne se fait pas encore appeler Amundsen n'a plus que sa hargne pour survivre, et les combines tordues de son impresario, Freeky. Les combines montrent vite leurs limites (Amundsen accepte de jouer dans les bases japonaises de l'Antarctique à la demande de ce qui reste des services secrets américains après la conquête des U.S.A., mais est immédiatement percé à jour et contraint à d'invraisemblables expédients) mais la hargne, elle, persiste comme la mauvaise herbe. Aux mains de gens qui ne lui veulent jamais de bien (samouraïs manqués, James Bonds au petit pied, maquereau de luxe australien), Amundsen continue à chanter sans voix, à jouer sans guitare, et à draguer malgré une santé douteuse.

Il ne faut pas chercher la vraisemblance, voire la cohérence dans l'intrigue de ce roman curieusement construit — qui avait commencé sa vie comme une nouvelle à la conclusion trop ouverte — : les incessants passages à tabac dont est gratifié Freeky ne l'auraient jamais laissé en vie dans un roman réaliste, et même les auteurs de S.-F. n'osent plus, de nos jours, lancer leurs personnages à la recherche d'une carte au trésor — à tout le moins, ce type de quête se mènerait dans les arcanes d'un système informatique archi-protégé… Bref, tout cela est aussi incongru qu'une sono de cinq mille watts en Terre Adélie, et les choses ne s'arrangent pas avec l'arrivée dans un hôtel/casino/salle de concert à Adélaïde.

Mais peu importe. Le livre est fait pour s'amuser, et accumuler au passage autant de références que possible au milieu S.-F. français et aux copains musiciens de Dunyach (les références en question étant complaisamment détaillées au générique ; on prêtait à Philippe Hupp l'intention de ne plus encourager au Fleuve Noir ce genre de Tuckérisation voyante, et sur ce point l'ouvrage est une surprise, qui prouve au moins que les vues de Hupp sont plus larges que les méchantes langues ne le prétendaient). Emmanuel Jouanne et Roland Wagner interviennent, mais c'est Wildy [Petoud] qui joue un rôle majeur dans le livre, celui d'une sorte de groupie devenue vieille dame indigne, jamais rangée, et toujours prête à donner son avis maternel sur ses turbulents copains.

Comme par exemple sur cet Amundsen dont l'absence de patronyme dissimule mal la voix de l'auteur lui-même : « Tu as du talent, c'est dommage […]. Il aurait mieux valu pour toi que ce ne soit pas si facile. » (p. 158). Jean-Claude Dunyach est la gentillesse même, mais dans cette phrase je verrais presque l'amorce d'un règlement de comptes ; une protestation, en tout cas, contre sa propre image d'homme heureux, sans tourment intérieur, qui a fini lui être reprochée et miner la crédibilité de son œuvre : il lui manque la tension engendrée par les écrits des écorchés vifs.

Ce n'est pas Roll over, Amundsen ! qui effacera ce préjugé sur Dunyach : le livre évite tout ancrage émotionnel, écrit qu'il est constamment sur le ton d'une interminable conversation de bistrot, toute en réparties souvent trop travaillées pour emporter l'assentiment. « [J]'ai si souvent pratiqué ce genre de ping-pong verbal avec Freeky » avoue le protagoniste page 88… si souvent, semble-t-il, qu'il ne sait jamais l'abandonner, et qu'on ne peut jamais s'investir dans le roman. Les connaisseurs du milieu S.-F. le liront en attendant les allusions — trop rares à leur goût —, mais je ne pense pas que le lecteur de base pourra y voir autre chose qu'un Fleuve Noir sympathique, drôle, sans prétention, mais terriblement superficiel.

Notes

››› Voir autre chronique du même livre dans KWS 5.