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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 5 a Deeper sea

Keep Watching the Skies! nº 5, octobre 1993

Alexander Jablokov : a Deeper sea

roman de Science-Fiction inédit en français ~ chroniqué par Pascal J. Thomas

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Texte chroniqué alors qu'il était encore inédit en français.

Sous le titre palindromique et un peu barbare d'AvoNova se cache la nouvelle incarnation de la série S.-F. de Morrow, éditeur de hardcovers appartenant à la maison Avon, plus connue pour ses ouvrages de poche. Jusqu'à l'année dernière, la série S.-F. de chez Morrow, qui avait pris la suite de celle d'Arbor House, compagnie rachetée par Morrow, était dirigée par David Hartwell. Depuis, John Douglas, qui occupait déjà le poste chez Avon, supervise le tout… mais ce devait encore être Hartwell qui avait acquis le premier roman de Jablokov, Sculpteurs de ciel, moins remarqué peut-être que ses nouvelles, mais riche en texture et en détails culturels d'un futur obnubilé par les arts.

L'univers de a Deeper sea est plus purement technologique et belliqueux. Pourtant tout commence, là encore, par… un bain de culture classique : des chercheurs russes en delphinologie, menés par Ilya Stasov, font appel aux services d'un spécialiste grec de la mythologie pour explorer les rumeurs selon lesquelles les Crétois auraient su parler aux cétacés. Il ne reste que quelques légendes, et les traces géologiques de l'éruption qui a fait de l'île de Thera un atoll, et pourtant les Russes arrivent à l'incroyable : forcer un dauphin à parler, et établir la communication avec une race plus préoccupée de jeu que de science ou de commerce.

Quelques années plus tard, quand une nouvelle Guerre du Pacifique éclate entre les Russes et les Japonais et leurs alliés américains, les cétacés, enrôlés, transformés en cyborg, et toujours contrôlés par Stasov, jouent un rôle décisif dans les premiers succès militaires russes. Ce qui vaudra à Stasov un internement pour crimes de guerre à la fin du conflit. Mais les passions finissent par se calmer, et Stasov va pouvoir travailler à nouveau avec sa rivale et dulcinée, la chercheuse américaine Anna Calderone, sur un projet d'une tout autre ampleur : l'utilisation des cétacés pour communiquer avec les formes de vie intelligentes repérées dans l'atmosphère de Jupiter…

Jablokov brasse des idées un peu Clarkiennes qui devraient faire le bonheur de l'amateur de S.-F. : psychologie de la race marine qui a partagé la mer avec nous, et ses mythes religieux, mais aussi technologie nécessaire pour amener un dauphin et un cachalot jusqu'en orbite jovienne. Pourtant, je trouve ce roman un peu raté. Il ne manque pas de beaux portraits de personnages (humains et dauphins) et de scènes fortes. Mais c'est le liant qui fait défaut ; les épisodes de l'action (par exemple, l'idylle entre Ilya et Anna) éparpillés qu'ils sont sur des années, ont fini par ne plus rien signifier pour moi. Peut-être est-ce dû au rythme déchiqueté de ma propre lecture — j'ai beaucoup posé et repris ce livre, et à chaque fois que je m'y replongeais, malgré la progression de l'action, je retrouvais les évocations de la préhistoire égéenne des mammifères marins, les désespoirs slaves de Stasov, et l'humour méchant des orques et des dauphins, avec leur religion, martelée au cours du livre, sans jamais me paraître vivante. Mais cela reflète sans doute aussi les difficultés de communication avec une race qui, en dépit des interprètes, reste radicalement étrangère à l'homme.

J'ai été gêné aussi par les épisodes de guerre, qui m'ont paru par trop décalqués sur ceux de la Deuxième Guerre Mondiale, avec les Russes agresseurs jouant dans un premier temps le rôle des Japonais, et dans un deuxième temps celui de prisonniers maltraités par les mêmes Japonais, à la Pont de la rivière Kwaï, Jablokov a fourvoyé son talent dans ce livre, reste à espérer qu'il retrouvera son souffle pour le prochain.