Keep Watching the Skies! nº 13-14, juillet-août 1995
Gilles Thomas [Julia Verlanger] : la Croix des décastés
roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Jean-Louis Trudel
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C'est sans aucun doute le livre de Julia Verlanger que j'aie trouvé le plus agréable à lire jusqu'à maintenant. Il n'y a pas de faille logique ou scientifico-rationnelle, comme dans la Mort en billes ou les Hommes marqués, et le roman se conclut de façon satisfaisante pour le lecteur, ce qui n'était pas le cas des Portes sans retour. Évidemment, comme qui dirait, la meilleure façon de ne pas écrire de la mauvaise science-fiction, c'est encore de ne pas en écrire du tout, et, dans le cas de ce roman, Julia Verlanger s'est approchée fort près de cet idéal.
L'auteure reprend le schème général des colonies terriennes qui ont régressé à un niveau médiéval et elle situe presque toute l'action sur un tel monde. Le héros est Jalen, membre d'une caste guerrière, qui a été exclu et condamné à mort sur la foi de l'accusation de viol d'une prêtresse. Son fidèle comparse est Ragger, voué au même sort à la suite d'une accusation pareillement mensongère. Ensemble, ils iront de péril en péril, d'avanie en avanie. Le tout reste très classique : ils seront hébergés par des baladins (ah, l'ombre du Roman comique de Scarron et du Capitaine Fracasse de Gautier…) ; puis embarqués de force à bord de l'équivalent local d'un baleinier ; puis capturés par des pirates et forcés de tuer pour se tailler une place parmi leurs ravisseurs…
La seule intrusion que l'on pourrait dire science-fictionnelle est le fait de deux ultra-civilisés provenant de la Terre. L'un d'eux, malveillant et doté d'un goût pervers pour la violence, poursuit Jalen et Ragger de son hostilité, car ils connaissent son identité. Il va jusqu'à les exiler sur Absalon, planète des hommes-lézards qui feront subir à Jalen et Ragger le plus dur des esclavages. Envoyée à la poursuite de ce premier “magicien”, Rebecca de la Terre permet au duo de se libérer et de revenir sur leur planète natale…
Je passe sous silence tout ce qui fait la saveur du roman, mais, à part la présence des ultra-civilisés de la Terre, il pourrait s'agir d'un roman de fantasy ou même de cape et d'épée. Il porte bien son étiquette "Legend". Et, il faut le reconnaître, la fluidité des descriptions et le sens de l'intrigue de Julia Verlanger captent et retiennent l'intérêt du lecteur. Pour qui aime ses héros… héroïques et souvent mal pris (il y aurait une petite thèse à écrire sur le thème de l'esclavage dans les romans de Julia Verlanger), ce roman constituera une belle petite ode à la virilité traditionnelle.
Disons que voici un livre qui ne perdrait absolument rien — si ce n'est quelques milliers de mots près — s'il était transformé en BD. Et l'art du dessinateur ne saurait être moins criard que la couverture de Florence Magnin. Conviendra aux vacances sur la plage, sauf si vous voulez de la science-fiction.