Keep Watching the Skies! nº 13-14, juillet-août 1995
Éditorial & courrier
par Pascal J. Thomas
L'été, saison des lectures paisibles, est déjà bien entamé. Il était temps qu'atterrisse sur votre paillaisson un KWS particulièrement replet — le voici. Contents ?
Avouons-le, si j'ai pu le temps de deux numéros échapper à la malédiction qui veut qu'un éditorial de fanzine soit consacré au retard pris par le numéro en cours, le doublement soudain de KWS est lié à mon manque de temps en mai/juin pour sortir un numéro 13 d'une minceur idoine. Les abonnés paieront donc deux numéros pour celui-ci, mais qu'ils se rassurent : sa taille est un peu plus du double de celle d'un numéro normal, Jean-Louis Trudel notamment ayant exercé sa faconde redoutable, et Ellen Herzfeld nous ayant rejoint avec des articles qui, eux aussi, ont connu une première vie électronique avant d'honorer nos pages.
J'avais invité les lecteurs à nous écrire, et ils ne se sont pas bousculés. Qu'importe leur petit nombre, la vivacité du ton le compense largement :
« Je trouve purement et simplement scandaleux que l'on puisse lire dans KWS, douzième du nom, Micky Papoz chroniquant avec complaisance un truc de chez Rollin (écrit par sa fille adoptive) comme s'il s'agissait d'un livre aussi bon qu'un Lisa Tuttle par exemple !
Il est hors de question que je t'envoie quelques uns de mes sous pour lire des conneries pareilles à côté de critiques exemplaires et aussi intéressantes que celle de Dead girls. KWS n'a pas à tailler une pipe à Rollin. Qu'un cercle d'andouilles donne le Grand-Prix de l'imaginaire à un mauvais Genefort est déjà rageant, mais voir un fanzine/ revue lécher le cul malpropre du Fleuve noir, je gerbe. Je te croyais plus dur, plus indépendant. »
— Gilles Dumay
Cette lettre aux termes choisis appelle quelques précisions : d'abord, KWS ne compte pas se reconvertir dans les fournitures pour fumeurs, ni dans le papier hygiénique ; ensuite, c'est un principe important que nous laissons à chacun la responsabilité de ses opinions, portassent-elles sur l'anatomie d'une maison d'édition.
Micky Papoz a son propre point de vue, souvent positif ; il me semble important que ce point de vue soit représenté dans les pages de KWS, à côté d'autres, ne serait-ce que parce qu'elle lit et apprécie une catégorie d'ouvrages dont je serais bien en peine de rendre compte. Un exemple pris au hasard : j'ai essayé d'entamer Rouge flamenco, chroniqué plus loin dans ce numéro. Au bout de deux pages, le livre m'est tombé des mains. Mes tympans bourdonnent encore du crépitement continu des clichés, du roulement sourd des adjectifs superfétatoires…
Pourtant, force nous est de constater qu'un secteur important de l'édition est occupé par des ouvrages relevant du Fantastique, de l'horror si vous préférez, et que leurs thèmes sont connexes au genre qui nous préoccupe (au vu des articles le décrivant, je classerais par exemple Lavinia dans la science fiction). J'ai personnellement une préférence raisonnée pour la SF, et je pense qu'on peut la sentir dans les pages de KWS ; et — corollaire — je me préoccupe assez peu des dessous éditoriaux du gore ou de la terreur, ce qui explique mon ignorance totale du nom et du rôle de M. Rollin jusqu'à ce qu'on les porte à mon attention.
Le point de vue de Micky Papoz est un point de vue d'écrivain, toujours plus prêt à prendre en compte la difficulté de l'entreprise fictionnelle, que le lecteur blasé ne percevra pas toujours. Pardonnez donc à Micky son indulgence.
Un point de vue d'écrivain peut être chose précieuse en matière de critique : je n'en veux pour preuve que, dans ce numéro, les articles de Trudel et de Warfa qui donnent en creux leur conception de la SF à l'occasion de leur lecture du travail d'un de leurs collègues, April et Dunyach respectivement. Dans les deux cas, auteur critiqué et auteur critique se connaissent. Coïncidence ? Je serais le dernier à me plaindre de l'incestuosité du fandom : ses rejetons ne sont pas si difformes.