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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 13-14 Retour des étoiles

Keep Watching the Skies! nº 13-14, juillet-août 1995

Stanisław Lem : Retour des étoiles

(Powrót z gwiazd)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Philippe Pastor

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L'astronaute Hal Bregg, après dix éprouvantes années d'exploration spatiale, revient sur la Terre, où se sont écoulées cent-vingt sept années. Refusant le stage de rééducation de huit mois qui lui est proposé avec une insistance suspecte, il choisit l'immersion directe dans ce nouveau monde. Les transformations innombrables et profondes qu'il découvre le perturbent beaucoup ; sa curiosité se transforme rapidement en inquiétude, et il se retrouve bientôt perdu dans ce milieu étranger, les sens sollicités jusqu'au vertige par un environnement onirique dont il ne parvient pas à déterminer la part de réalité et d'illusion.

Son errance ne fait que commencer ; Bregg, par une analyse douloureuse des éléments épars que parvient à saisir son intellect vif mais décalé, approche lentement des vérités nouvelles qui ont triomphé des anciennes. Et l'angoisse réelle survient alors, une angoisse métaphysique qui remet en question l'identité même de cet humain surgi d'un passé oublié des mémoires : a-t-il toujours sa place sur cette Terre ? Parviendra-t-il à s'y adapter ?

Stanisław Lem est un maître, et son œuvre est multiforme. Aussi à l'aise dans une narration à la première personne qu'à la troisième, il peut donner à son histoire la forme d'une fable à l'innocence inquiétante (Contes inoxydables), d'un récit d'horreur à l'américaine (quelques nouvelles du Bréviaire des robots) ou d'une savoureuse satire (tous les Ijon Tichy). Il atteint des sommets dickiens dans le Congrès de futurologie, où il pèle la réalité comme un oignon dans une succession de visions qui vont de l'hilarant à l'épouvantable. Si la parabole satirique est sa forme de prédilection, contexte socio-politique polonais oblige, Lem n'en est pas moins capable d'insuffler à son écriture un sobre lyrisme humaniste — dont Prokofiev serait le pendant musical… — ou la froideur informationnelle d'un rapport scientifique (voir Solaris).

Ses récits sur l'intelligence artificielle, ses interrogations sur l'Autre, l'extraterrestre aux pensées inconnaissables, sont véritablement précurseurs.

Retour des étoiles est, comme la plupart des livres de Stanisław Lem, inclassable. Sa forme est celle d'une prospective, mais il y ajoute une bonne dose de délire visionnaire — l'arrivée dans l'astroport est un morceau d'anthologie —, et surtout une dimension psychologique qui accroît grandement le sens du récit… et lance dès les premières lignes le lecteur au cœur du roman.

C'est un livre qu'il faut lire, avec, dans la foulée, l'Invincible, le Congrès de futurologie, Mémoires trouvés dans une baignoire (du Brazil puissance 10), et Solaris.