Keep Watching the Skies! nº 16, janvier 1996
Jean-Daniel Brèque : Malenfances
recueil de Fantastique ~ chroniqué par Pascal J. Thomas
→ Détail bibliographique dans la base de données exliibris.
Traducteur émérite, Jean-Daniel Brèque, s'il prend le temps d'écrire (heureusement !) ne semble pas s'être accordé celui de composer des recueils… Il faut en tout cas féliciter André-François Ruaud de nous offrir celui-ci. Tout en passant de récits relevant du fantastique à d'autres dont la charge horrifique repose sur la psychologie perverse des personnages, il met en lumière l'unité d'inspiration de son auteur.
Enfants à tous les étages, donc — j'allais dire à toutes les sauces, ce qui serait justifié dans un ou deux cas… Enfants victimes, plus rarement complices ; objets ou sujets du récit en proportions sensiblement égales. Dans tous les cas, Brèque recycle des éléments autobiographiques : quand la nouvelle adopte le point de vue de l'enfant, celui-ci vit souvent à Mérignac, quand c'est celui d'un adulte, il gravite entre Dunkerque et les festivals de BD.
Corollaire : les détails sont toujours admirablement vus et décrits. Et l'écriture soignée. Contrepartie : le lecteur doit prêter attention à tout, les éléments essentiels peuvent se dissimuler au détour d'une phrase (comme chez Gene Wolfe) ; cf. "le Dernier café", "À la volette".
Parfois, Brèque emploie les ressorts d'un fantastique plus classique ("la Transfusion", "Droit de regard"), voire du merveilleux ("Fédor" ou "le Sentier du loup"). Sans perdre en qualité, ni en cruauté — étant entendu que la cruauté la plus grande n'est pas à trouver du côté des vampires ou loup-garous, mais de celui des parents qui abandonnent leurs enfants. Dans la forêt, dans les débris d'un mariage, dans une vie d'indifférence, tout simplement.
Signalons enfin que quatre des neuf textes de ce livre sont inédits en français, et que le tout est complété d'une introduction où Patrick Marcel fait étalage de son humour habituel (et néanmoins réjouissant), et d'une interview menée par André François Ruaud. Bref, les petits Mérignacais risquent peut-être de se changer en corbeaux, mais Destination Crépuscule ne prend pas les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages !