Sauter la navigation

 
Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 21-22 le Cœur en abîme

Keep Watching the Skies! nº 21-22, septembre 1996

Christian Grenier : le Cœur en abîme

roman de Science-Fiction pour la jeunesse ~ chroniqué par Noé Gaillard

 Chercher ce livre sur amazon.fr

Il s'agit de la réédition revue et corrigée du roman du même titre publié en 1988 et qui avait cette année-là obtenu le Grand Prix de la Science-Fiction française. La lecture de cette version nous incitera à croire qu'en 1988 les œuvres des prétendants au Grand Prix étaient de faible qualité ou que l'on persiste à prendre les lecteurs mêmes jeunes pour des demeurés. Si ce type de produit est la seule chose que nos éditeurs ont à proposer pour détourner les enfants ( ?) de la télévision on peut regretter qu'ils n'aient pas plus d'imagination… En effet, comment en 1996 croire à cette histoire de peuple aveugle vivant à l'intérieur d'une planète et “découvert” par un spéléologue ?

Zarkhatchouk, alias Rémiro, spéléologue de son état, a perdu l'usage de ses jambes et blessé mortellement son amie. Il est contacté par un ministre et par le directeur de l'entreprise Juvé, qui vient de découvrir sur la planète Samos un minerai permettant de fabriquer un produit qui prolonge la vie. On demande à Rémiro de vérifier que le sous-sol de Samos renferme des quantités suffisantes de minerai avant qu'une action diplomatique soit engagée. En échange, la technique des Samosiens doit lui rendre ses jambes. Rémiro accepte et découvre sur Samos une étrange civilisation où les femmes n'ont pas droit à la parole, où la vie est triste. Mais il découvre aussi une civilisation qui a domestiqué l'écoulement souterrain des eaux, une civilisation d'aveugles qui vivent tranquilles.

Rémiro tombe amoureux de Carmin, son guide, une samosienne à l'aspect d'androgyne et malheureusement biologiquement incompatible avec les terriens. Le traître chargé de les faire disparaître meurt et, tandis que Carmin décide de rester sous terre, Rémiro parvient à remonter à la surface grâce à la mascotte de celle-ci. Il dénoncera les visées expansionnistes de la Juvé mais devra se résoudre à ne plus pouvoir utiliser ses jambes.

Si vous avez bien suivi, l'amorce de ma critique doit vous sembler injuste. Vous devez vous dire qu'avec des idées comme celles du trust pharmaceutique et de la civilisation triste cela fait de la bonne SF pour “Junior”. Sur ce point pas de doute. C'est sur le traitement que, pour moi, le bât blesse. Au lieu de commenter ou de faire commenter, Grenier préfère privilégier l'action et l'aventure. Si sur un niveau il présente un monde qui doit faire réfléchir, sur l'autre il raconte une histoire palpitante de descente dans l'abîme avec un traître. Le lien entre ces deux niveaux n'étant pas évident, le lecteur peut plus facilement s'arrêter à l'action. Ce qui la sous-tend n'est pas assez fort pour accrocher. Il me semble que c'est une question de longueur et peut-être aussi de choix de lectorat. Grenier aurait sans doute pu écrire un roman plus fouillé en développant les implications de ses idées au lieu de les noyer dans le déroulement d'une action étirée.