Keep Watching the Skies! nº 21-22, septembre 1996
Quentin Tarantino : une Nuit en enfer
(From dusk till dawn)
roman fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard
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Après Pulp fiction, Reservoir dogs/True romance et Four rooms, les Éditions 10/18 nous proposent aujourd'hui de découvrir le dernier scénario en date de la nouvelle coqueluche d'Hollywood : Quentin Tarantino. Alors que les précédents travaux du cinéaste pouvaient être aisément catalogués dans le genre policier, oscillant entre le suspense et un certain néo polar, le scénario d'Une nuit en enfer entre de plein pied dans la catégorie fantastique. Comment pourrait-il en être autrement puisqu'il met en scène l'une des créatures-phare de l'univers horrifique : le vampire.
Quentin Tarantino nous entraîne ainsi sur la piste de deux pilleurs de banque en fuite, Seth et Richard Gecko. Pour échapper aux célèbres Texas Rangers et passer tranquillement la frontière mexicaine, les Gecko prennent les trois membres de la famille Fuller en otage. Ce polar des plus classiques tourne au récit d'horreur lorsque, en lieu et place des habituels policiers, les fuyards se trouvent pris au piège par une horde de vampires mexicains adeptes de rock'n roll et de magie noire. Croyant trouver refuge dans une boite à strip-tease sur la frontière, les Gecko vont découvrir, mais un peu tard, que les locataires des lieux sont les descendants directs d'une race méconnue de vampires aztèques. Ces derniers ont d'ailleurs l'intention de transformer leurs visiteurs nocturnes en mets de choix pour un banquet royal.
Même si ce livre se lit fort rapidement, puisqu'il s'agit du scénario brut (dialogues et quelques indications de mise en scène) et non d'une novelization, il faut à l'amateur de fantastique un brin de patience car les suceurs de sang ne font leur apparition que dans le dernier tiers de ce livre. On constate alors que la culture du réalisateur de Reservoir dogs est essentiellement visuelle. Ses vampires n'ont rien de commun avec l'archétype du genre qu'est Dracula, ni avec les nostalgiques créatures de la nuit d'Anne Rice ou avec les néo-vampires de Poppy Z. Brite. Ainsi, les mortelles créatures de Quentin Tarantino connaissent au mieux l'art de la transformation, d'humains en chauve-souris ou autres, mais surtout elles subissent des morts très visuelles. Vaincus par un pieu de bois ou par de l'eau bénite, les vampires tarantinesques explosent, s'enflamment ou bien perdent un sang vert des plus inhabituel dans la tradition vampirique.
À la lecture de ce scénario, on s'aperçoit également que Quentin Tarantino est bel et bien un cinéaste de références. Il n'est qu'à voir le nombre impressionnant de notes de bas de pages pour s'en rendre compte. Chacun de ces renvois explicite de manière claire et détaillée une référence que fait le scénariste de True romance à un film, une série télévisée ou tout autre élément de la culture populaire américaine.
Quoi qu'il en soit, ce livre viendra agréablement compléter la bibliothèque de tous les tarantinophiles. Il risque cependant de décevoir les amateurs d'une littérature fantastique plus classique et plus consistante. Enfin, les tarantinologues auront certainement rectifié d'eux même une petite erreur s'étant malencontreusement glissée dans la postface consacrée à l'auteur. Le réalisateur de Sleep with me n'étant pas, comme indiqué, Roy Avary puisque ce long-métrage, interprété par Éric Stoltz, Meg Tilly et Quentin Tarantino, a été réalisé par Rory Kelly.