Keep Watching the Skies! nº 48, janvier 2004
Suzuki Koji : Dark water
「仄暗い水の底から」
→ Détail bibliographique dans la base de données exliibris.
Suzuki Koji : Ring zéro
「バースデイ」
→ Détail bibliographique dans la base de données exliibris.
recueils de Fantastique ~ chroniqué par Philippe Paygnard
Après les trois romans du cycle Ring, la collection "Terreur" nous offre de découvrir une autre facette de Koji Suzuki à travers une dizaine de nouvelles réunies dans les recueils Ring zéro et Dark water.
Ring zéro se présente donc comme le quatrième volet de la trilogie Ring et propose, à travers trois textes, de nouveaux points de vue sur les évènements contés dans les trois romans précédents, Ring, Double hélice et la Boucle. "Un Parfum de citron" fait ainsi découvrir un autre visage de Sadako Yamamura. On la découvre tout à la fois plus humaine et plus mystérieuse à travers le témoignage d'un des rares et très provisoires survivants de la troupe théâtrale dont elle fit partie avant de devenir la source de la terrible malédiction. Pour sa part, "un Cercueil ouvert sur le ciel" remplit l'un des vides de la narration de Double hélice. En effet, cette nouvelle nous fait vivre les derniers instants de Mai Takano et la renaissance de Sadako Yamamura. Enfin, "Naissance" lève le voile sur le destin de Kaoru Futami, dont le sacrifice dans la Boucle permet de venir à bout du virus du cancer métastatique humain (VCMH). Comme de bien entendu, la lecture de ces trois nouvelles n'a rien d'indispensable pour comprendre et apprécier le cycle Ring. Cependant, chacune d'entre elles ajoute un élément oublié ou volontairement laissé de côté par le romancier. Elles viennent compléter une œuvre qui, sans en avoir vraiment besoin, supporte sans peine cet ajout.
Outre leur lien avec le cycle Ring, ces trois textes mettent en évidence l'un des thèmes récurrents de l'œuvre de Koji Suzuki : la mort. Omniprésente, la mort est également au centre des sept nouvelles qui composent le recueil Dark water. Mais cette fois-ci, elle partage la vedette avec l'élément liquide. En effet, les textes de ce second recueil ont presque tous pour décor la Baie de Tokyo et, pour chacun d'entre eux, l'élément liquide joue un rôle déterminant. C'est l'eau qui suinte dans son appartement et conduit Yoshimi Matsubara sur le toit de son immeuble où une citerne pleine d'un liquide sombre et menaçant semble dissimuler le secret terrifiant de "Dark water" [1]. C'est encore l'eau à perte de vue qui entoure Daiba, "l'Île déserte" où d'étranges évènements se produisent. C'est toujours l'eau qui vient venger la mort de Nanako, la femme d'Hiroyuki le pêcheur, dans "À fond de cale".
L'eau est partout dans ces textes de Koji Suzuki, au même titre que la mort qui rôde, qui frappe ou qui menace les cibles désignées par le nouvelliste. Les textes de Suzuki touchent ainsi toutes les couleurs du spectre fantastique. Ils vont de la simple suggestion à l'horreur la plus pure. Mais ces nouvelles sont d'autant plus angoissantes que l'auteur trompe régulièrement ses lecteurs en mettant en avant un aspect des choses pour mieux les surprendre par un retournement de situation inattendu. Au fil des nouvelles, on se rend compte que tout est possible avec Koji Suzuki. On croise ainsi des individus qui sombrent dans la folie, des fantômes en quête de vengeance et d'autres interventions plus ou moins surnaturelles. On navigue ainsi de la normalité à l'anormalité, et du fantasque au fantastique.
Ring zéro et Dark water permettent de constater sans peine que le talent de nouvelliste de Koji Suzuki est égal à son talent de romancier. Ses textes courts sont aussi incisifs et terrifiants que ses romans sont complexes et inquiétants. Grâce à Dark water, on constate également que Suzuki n'est pas uniquement l'auteur de Ring et on peut sans crainte le découvrir ou le redécouvrir à travers ces nouvelles de la meilleure eau…
Notes
[1] Héroïnes de la nouvelle "Dark water", Yoshimi Matsubara et sa fille Ikuko ont eu, en 2003, les honneurs du grand écran (sous les traits des comédiennes Hitomi Kuroki et Rio Kanno) dans le long-métrage homonyme dirigé par Hideo Nakata, le réalisateur de Ring et Ring 2.