Keep Watching the Skies! nº 49, juillet 2004
Graham Masterton : Corbeau
(Unspeakable)
roman fantastique ~ chroniqué par Noé Gaillard
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Holly Summers, trente-trois ans, veuve, une fille, travaille pour les services sociaux de la mairie au service des enfants battus. Mais, sourde, elle a appris à lire sur les lèvres et à ce titre sert parfois d'auxiliaire de police. Ses amis Doug et Katie veulent absolument lui faire rencontrer un prétendant et l'invitent à venir en week-end près d'un lac. Holly apprend qu'un crime va être commis et reconnaît celui qu'elle a vu le dire dans le trombinoscope de la police. Lorsqu'elle se rend chez un Indien pour voir son fils celui-ci a été roué de coups. C'est le père qui l'a imaginé possédé par Corbeau, un mauvais esprit. L'enfant sera mis hors de danger et le père condamné, mais il invoquera Corbeau et le jettera sur Holly. Avant de partir en week-end, la jeune femme obtiendra des renseignements supplémentaires sur le crime à venir. La victime doit disparaître mêlée à de la pâte à papier. Holly, qui croit au sort jeté contre elle, commence à voir des choses troublantes, elle en parle vaguement à un vieil ami indien. L'ami de Doug et Katie s'appelle Ned et travaille dans la pâte à papier. Doug ne peut s'empêcher de dévoiler que Holly travaille pour les flics et a découvert le crime qui se trame. Holly ne supporte pas Ned et après l'avoir viré de sa chambre rentre chez elle. Elle enquête sur une jeune fille qui se suicide… son père finira par avouer abuser régulièrement d'elle. Holly rentre chez elle et constate la disparition de sa fille. Un autre de ses amis flics vient annoncer que celui qu'ils auraient dû arrêter le matin même, en flagrant délit de crime, détient sa fille, il se propose pour la guider vers lui. En fait il s'agit d'un piège et d'une bande d'adultes de la bonne et de la haute société qui s'organisent des parties spéciales : Holly leur semblait charmante… Heureusement son vieil ami indien intervient à temps. Pendant que Holly célèbre ses retrouvailles avec sa fille et ses amis, on sonne. L'homme qui tient un bouquet de roses jaunes demande son nom à Holly et lui tire une balle en pleine tête au nom de Ned.
Graham Masteron avoue avoir écrit deux fins. Le choix de celle-ci, à moins d'un sauvetage d'urgence qui risquerait d'ajouter une infirmité à Holly, lui interdit une suite éventuelle. C'est dommage, car le personnage est dense, intéressant et ses attaches avec le monde indien semblaient le prédisposer à explorer d'autres pistes de sorcellerie peau-rouge. On peut aussi se poser la question : pourquoi un écrivain tue-t-il un de ses personnages principaux ? — ici il s'agit, en plus, d'une femme. Sans doute parce que le personnage — à moins d'être devenu populaire — n'est que le support de ce qui intéresse l'auteur. Et, si ce n'est déjà fait, il va de soi que Graham Masterton nous reproposera des légendes indiennes adaptées à notre époque. Dans le même sens il retrouvera une infirmité doublement intéressante : il lui faut une origine et elle impose un comportement singulier — aux autres comme à l'infirme — qui transforme sans diminuer et permet un rôle social. C'est très gratifiant pour le lecteur cette intimité avec un héros “humain”. Et je pense qu'il retrouvera aussi le rapport entre adulte et enfant riche d'un grand nombre de potentialités littéraires. Ainsi une fois le premier choc passé de la mort de l'héroïne, le lecteur relira mentalement toute l'histoire peut-être d'abord pour vérifier qu'il n'a pas omis de lire un passage qui permettrait de comprendre la brutalité de cette fin. En faisant cela il percevra les autres aspects du roman sous un autre angle et trouvera — comme moi — beaucoup de saveur et de force à ces deux cent quatorze pages.