Stephen King : les Loups de la Calla (la Tour sombre – 5)

Le Ka-Tet de Roland de Gilead poursuit sa quête de La Tour Sombre sur un chemin semé d'embûches. Ensemble, le Pistolero et ses compagnons ont déjà affronté bien des périls et leur victoire sur Blaine le Mono les a considérablement rapprochés du but. Cependant, le voyage au cœur de l'Entre-Deux-Mondes est loin d'être terminé pour Roland, Eddie, Susannah, Jake et Ote le bafouilleux. Une rencontre, qui n'a rien de fortuite, oblige même le Ka-Tet à faire halte dans la vallée de La Calla où les habitants d'un village perdu ont besoin de l'aide du dernier des Pistoleros pour empêcher les malfaisants Loups de Tonne-Foudre d'enlever leurs enfants.

Pour les lecteurs réguliers de Stephen King, le Pistolero est un vieux compagnon de route. Sa première apparition sur les rayonnages des bibliothèques date déjà de 1982. Cette année-là, Stephen King réussit à convaincre l'éditeur Donald M. Grant de réunir, sous le titre the Gunslinger, une série de nouvelles parues dans the Magazine of fantasy and science fiction. Les aventures de ce cow-boy, du futur plongé dans un univers en pleine déliquescence, ne semblent alors n'être qu'une œuvre mineure au regard des autres travaux de Stephen King et il faut même attendre 1991 pour que les éditions J'ai lu en propose une version française, directement au format poche. Pourtant, au fil des volumes qui composent le Cycle, le Pistolero et sa quête de la Tour Sombre se révèlent être bien plus qu'un simple intermède dans la carrière de Stephen King. Même si leurs parutions sont souvent espacées de plusieurs longues années, les différents tomes du Cycle de la Tour Sombre constituent le point central de l'œuvre de Stephen King, l'endroit où tout est possible, le nœud de tous les univers du romancier. Certains des concepts ou des personnages de la Tour Sombre essaiment ainsi dans d'autres œuvres de l'auteur. On retrouve ainsi des traces de la Tour dans Insomnie, ainsi que dans Les Yeux du dragon ou encore dans Cœurs perdus en Atlantide. C'est donc sans réelle surprise que l'on croise, dès les premières pages de ce cinquième volume du Cycle, un personnage appartenant à un classique de Stephen King, le père Callahan de Salem. On découvre ainsi que, depuis qu'il a croisé Ben Mears et Barlow le vampire, le père Callahan a survécu plutôt que vécu jusqu'à ce qu'il trouve sa place au sein de cette petite communauté agricole dans l'Entre-Deux-Mondes et rencontre le célèbre Pistolero, Roland de Gilead.

Malgré quelques escapades dans le New York d'Eddie Dean pour y protéger la Rose magique, qui constitue l'une des clés de la quête de la Tour Sombre, ce cinquième volume renoue définitivement avec l'ambiance western teintée de Fantasy des premières aventures de Roland de Gilead. À ce titre, Stephen King ne cache pas, dans une note finale, avoir puisé une partie de son inspiration dans les œuvres de Sam Peckinpah, d'Howard Hawks, de John Sturges, mais aussi d'Akira Kurosawa et de Sergio Leone. Même si les Loups de la Calla louche donc du côté des Sept Mercenaires, le roman de Stephen King est bien loin de n'en être qu'un simple calque. En effet, le romancier n'a pas besoin de passer par l'étape de la constitution du groupe des sept mercenaires (ou samouraïs) puisque le Ka-Tet de Roland est déjà constitué. King utilise donc cette trame scénaristique comme un rideau de fumée pour couvrir les multiples intrigues secondaires qu'il fait avancer en parallèle. Et il s'en passe des choses dans ce cinquième volume de la Tour Sombre, autant de péripéties et de rebondissements qui donnent un nouvel élan à la saga de la Tour Sombre. Sans dévoiler les détails de cette épopée, on peut remarquer que Stephen King en profite pour revenir sur des thèmes qui lui sont chers à commencer par la famille, notamment le lien père-fils qui semble enfin se matérialiser entre Roland et Jake. On trouve également dans ce roman un vibrant éloge de la résistance, qu'il s'agisse de la résistance physique face aux Loups de Tonne-Foudre et à tout ce qu'ils représentent ou de la résistance morale du Père Callahan face à l'alcool après les évènements de Salem.

Il est à noter que les éditions J'ai lu profitent de la sortie des Loups de la Calla pour rééditer, au même format que ce dernier volume, l'ensemble des titres du Cycle de la Tour Sombre. À cette occasion, la traduction des quatre premiers volumes a été revue et unifiée par Marie de Prémonville qui a également traduit la version remaniée, par Stephen King lui-même, du premier volume, Le Pistolero. En complément de ces cinq livres incontournables, les éditions J'ai lu proposent également un guide officiel des quatre premiers volumes écrit par une proche collaboratrice du romancier, Robin Furth, dont l'intérêt est beaucoup moins évident. Ce travail a l'avantage d'offrir aux lecteurs-acheteurs une version que l'on peut espérer définitive du Cycle de la Tour Sombre.

Quoi qu'il en soit, les Loups de la Calla constitue, à ce jour, le roman le plus abouti du Cycle de la Tour Sombre. Les trois premiers volumes, le Pistolero, les Trois cartes et Terres perdues ont mis en place le décor complexe de l'Entre-Deux-Mondes et ont permis de présenter les différents protagonistes qui rejoignent Roland Deschain de Gilead, le Pistolero, dans sa quête de la Tour Sombre. Magie et cristal, quatrième tome du Cycle, s'est tout particulièrement intéressé à Roland et à son amour perdu. Ce cinquième opus donne une dimension nouvelle au Cycle en intégrant la quasi-totalité de l'œuvre de Stephen King parfois par de simples clins d'œil, ou bien par des références plus subtiles, ou enfin par l'intervention de personnages issus d'autres romans. Œuvre magistrale, les Loups de la Calla n'est pourtant que le prélude à la fin de ce Cycle qui doit se conclure avec deux ultimes volumes intitulés le Chant de Susannah et la Tour sombre. Ils ont d'ores et déjà été publiés aux États-Unis et ils sortiront, normalement, en France en février et septembre 2005.