Keep Watching the Skies! nº 52, novembre 2005
Gisèle Matamala Verschelde : Ixilion
roman de Science-Fiction
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Ixilion a été colonisée par les Terriens, mais la population autochtone, les Annexés, subsiste, et n'a pas tout oublié de ses traditions malgré l'effacement qu'elle a subi. D'autant qu'elle joue encore un rôle majeur dans l'extraction de l'exsudat, substance produite par les arbres de la planète qui a tout d'une panacée. Et, à l'occasion d'une maladie qui frappe toutes les femmes de la planète, les Insoumis dissimulés dans la forêt font parler d'eux, se gagnent le concours de la population métissée qui se croyait assimilée…
Sur une trame calquée sur la guerre d'Algérie — ce n'est pas le premier roman de S.-F. à utiliser ce modèle, loin de là —, l'auteur nous fait suivre le destin d'une poignée de personnages qui suivent chacun leur chemin vers la révolte et la reconquête de leur identité propre (au moins une autre race Annexée intervient ici de façon significative). Hélas, ni les situations ni les sentiments ne sont bien originaux — on pense beaucoup à Le Guin —, et le livre souffre de tics d'écriture qui m'en ont rendu la lecture pénible, surtout au début.
Problèmes de construction logique : au-delà du fait qu'on ne prend jamais la mesure de l'espace interstellaire dans lequel sont censés se dérouler les événements décrits, au-delà de l'usage fantaisiste de mots techniques comme "fréquence" ou "galaxie", j'ai souvent eu l'impression que l'auteur faisait intervenir les éléments de son monde (lois, moyens de transport, pathologies…) au fur et à mesure des besoins de l'intrigue. D'où une impression d'arbitraire qui nuit beaucoup à la tension dramatique. Et l'usage systématique de la télépathie parmi les Instruits ne semble jamais pensé ; ni au niveau de la vraisemblance (quelles conséquences sur la formation mentale des enfants, dont on sait qu'elle est si liée au langage ? quelle structuration de la vie sociale, quelle portée physique de l'émission ?), ni à celui de l'écriture (les dialogues entre télépathes ressemblent exactement à des conversations vocales).
Ce qui nous amène aux problèmes de ton : la narration ne cesse pas de prendre position de façon émotionnelle, ce qui est déjà agaçant, mais quand les dialogues sont menés sur le même ton, on n'arrive plus à suivre. Ironiquement, le roman mentionne (p. 454) « une formule qu'il voulait touchante et qu'il ne réussit qu'à rendre emphatique », et l'auteur tombe elle-même souvent dans ce travers.
Ce qui est dommage, c'est qu'à mesure qu'on progresse, les défauts s'estompent, comme si l'auteur avait appris en progressant, et qu'à la fin le livre, qui agite des éléments intéressants, acquiert une intrigue raisonnablement construite (sinon originale). Je ne peux pas en conscience vous recommander la lecture de ce livre, mais on peut regretter que l'auteur — dont c'est le deuxième ouvrage, mais le premier en S.-F. — n'ait pas eu un vrai éditeur, qui essaie d'obtenir d'elle un texte un peu plus professionnel. Et espérer que ce sera le cas de ses prochaines œuvres.