Viviane Moore : le Peuple du vent (l'Épopée des Normands de Sicile – 1)

A priori, ce n'est pas tout à fait de la Fantasy. Ni a posteriori. Et ça a des défauts : écriture plate à force d'efficacité, personnage féminin féministe peu médiéval, plutôt hérité de Claude chez Enid Blyton — on salue les cent cinquante ans de la "Bibliothèque rose" ! —, placage de fiches sur la Normandie au milieu du xii^e siècle, etc.

Pourtant, on croise une chimère — au milieu d'hallucinations. Une sirène, au moins imaginaire. Des prophéties exactes, dues à un moine un peu particulier. Une histoire de revenants, de Dame blanche, destinée à se concrétiser. Toutes choses pas tout à fait réalistes, pour du Polar même historique, ou de la littérature dite mimétique. Ce n'est par ailleurs pas du Fantastique ; c'est accepté et intégré par la société ambiante, sans déchirure dans le réel. D'où deux réflexions, peu originales. D'abord, on peut se demander si c'est affaire de densité, ou de centralité. Ce roman, qui pourra plaire à l'amateur de Fantasy, relèverait-il clairement du genre si ces éléments-là étaient plus nombreux, où s'ils étaient le moteur de l'intrigue : qu'est-ce qui est déterminant ? Ensuite, l'amateur de S.-F. revendicatif peut s'interroger sur la possibilité d'intégrer à un réalisme, didactique qui plus est, des éléments de merveilleux, au-delà de la très justifiable mise en scène de croyances du temps — puisque ça marche, ça se concrétise, et cela ne pose aucun problème. Peut-être vivons-nous toujours au Moyen Âge ou dans des temps pré-scientifiques. Et la cassure entre “les deux cultures”, “littéraire” et “scientifique”, n'est-elle pas sur le point de se résorber. Même si l'auteur est présentée comme ayant exploré deux ou trois autres époques, et le futur proche,

À part ça, il n'est pas encore question de Sicile. On ira en Méditerranée plus tard : c'est le début d'une série. Le héros est l'un peu sempiternel jeune-homme-promis-à-un-grand-destin-qu'il-ignore, confié à un mentor un peu mystérieux, un peu oriental, très savant, très intelligent, qui finit de faire son éducation et mène l'enquête. Il y a bien entendu quelques décès non naturels, provoqués par des moyens variés. Sur fond de lourds secrets de famille. Et de rancœurs multiples. Pour compliquer l'intrigue et tenir en haleine le lecteur bien disposé. De fait, ça se lit tout à fait bien dans les transports en commun. Après tout on ne demande pas beaucoup plus. Et encore une fois, c'est aux franges de la Fantasy et vaut donc d'être signalé dans KWS, où l'on flirte bien souvent avec le roman historique…