Keep Watching the Skies! nº 56, janvier 2007
Robèrt Martí : lo Balestrièr de Miramont
roman fantastique inédit en français
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Rouergue, 1374 : villages et campagnes du Ségala sont ravagés par les troupes de routiers qui se sont installées au château de Miramont sous le commandement de Jaufre l'Anglés (Geoffroy l'Anglais) et de son fidèle lieutenant Berenguièr l'Albigòt, dit Bigòt. Plus jeune (à peine vingt-cinq ans) mais aussi cruel que son maître, Bigòt a une fierté dans la vie : son arbalète catalane, d'ébène incrustée d'ivoire, engin de mort d'une précision diabolique.
Bigòt ne se confie qu'à son écuyer, Guilhèm. À lui il enseigne le maniement de son arbalète. Et à lui seul il laisse voir qu'il est amoureux d'Alaís, fille unique de Martin de Breuna, homme de confiance du seul seigneur qui ose résister à Jaufre. Au point que Bigòt finira par trahir la confiance de son supérieur, et en sera châtié de façon abominable — après avoir été capturé avec la complicité passive de Guilhèm.
Et l'arbalète ? Elle va passer de main en main, apportant le malheur à tous ceux qui se l'approprient. Pendant des siècles, alors même qu'elle sera réduite à l'état de débris quasi-méconnaissable…
Martí n'est jamais aussi bon que quand il décrit la vie du Moyen Âge, ou même du xixe siècle : rude, poignant, fort, avec le sens de la tragédie, sans détours inutiles. Le sujet même du livre, par contre, lui interdit de s'attarder sur les personnages, dont les motivations ne sont sans doute pas assez explorées — ou restent schématiques.
La construction du livre ne m'a pas non plus convaincu ; j'aurais voulu découvrir progressivement l'identité de l'objet maudit, et ses méfaits au cours des siècles par des plongées successives, des flashes-back entrecoupés… Défi impossible, peut-être. Mais au moins, un peu plus de temps passé sur les épisodes qui sont évoqués entre le xive siècle et le xixe, un peu plus de temps aussi sur le récit le plus récent, qui encadre le livre, lui auraient donné plus d'épaisseur et plus d'équilibre. Tel qu'il est, il hésite entre la chronique des avanies d'un objet maudit, et le pur roman historique moyenâgeux, et — au nombre de pages sans aucun doute — c'est plutôt cet aspect qui l'emporte. L'auteur est d'ailleurs parti de ses recherches documentaires sur cette époque — le château de Miramont, et le village attenant, est encore mentionné dans des documents du xve siècle, mais a depuis disparu, au point que personne ne sait plus sur quel site il se dressait.
L'aspect roman historique moyenâgeux se compare favorablement au Darrièr dels Lobatèrras de Joan Ganhaire, un Périgourdin qui en tant que tel est aussi fasciné par la Guerre de Cent Ans. Martí, qui a un passé d'écrivain polymorphe, maîtrise parfaitement les procédés du roman populaire, et écrit dans une langue énergique, mais le roman peut décevoir l'amateur de suspense fantastique.