Keep Watching the Skies! nº 2, novembre 1992
Anne Duguël : le Corridor
roman fantastique ~ chroniqué par Pascal J. Thomas
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Depuis une quinzaine d'années, Barbara partage avec Patrick un bonheur conjugal d'une écrasante ordinarité. Sans ennui, malgré les défauts de son mari, son mutisme sur son enfance et son adolescence malheureuses. Et voici que Barbara commence à vivre des rêves dans le Corridor à l'occasion exclusive de ses rapports sexuels avec Patrick — l'image est crue. Et voilà que le Corridor débouche sur une sortie qui ressemble fort au passé de son mari…
Jusque-là rien que de très banal ; le couple Patrick-Barbara me ferait penser à des Bidochon branchés — sans l'humour de Binet. Mais le cadre du livre, suivant les règles du roman d'horreur, bascule vers un abîme à l'image des tourments intérieurs de Barbara. Ses hallucinations lui permettent de manipuler la réalité, mais la laissent toujours face à sa propre jalousie (maternelle et conjugale), et punie des conséquences de ses propres actes, pour aussi innocents qu'ils puissent paraître ; après tout, elle ne cherche qu'à rattraper les occasions perdues dans la vie de celui qu'elle aime, de lui permettre de développer son talent artistique — et, surprise, surprise, en lui permettant de développer son propre ego, elle perd son amour.
Il y a quelque chose du conte moral dans ce livre, mais aussi quelque chose de la S.-F., dans ces modifications sur le passé auxquelles se livre Barbara. Seule la S.-F. ose défaire ce qu'on croyait irrémédiable — par son application de cette conviction quasi-technologique à des situations de la vie personnelle et sentimentale, ce livre est comparable à l'Échange d'Alan Brennert. Il reste bien moins complexe : beaucoup plus court, soumis à l'enchaînement logique, il y gagne une compacité et une rapidité fort agréables malgré sa noirceur finale.
Notes
››› Voir autre chronique du même livre dans KWS 4.
