Keep Watching the Skies! nº 3, janvier 1993
Joëlle Wintrebert : l'Océanide
roman de Science-Fiction pour la jeunesse ~ chroniqué par Pascal J. Thomas
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Ja'el Oversee Jubu-San est un Océanide, descendant comme ceux de sa race de ceux des colons humains de la planète-océan Arianrhod qui se sont fait adapter génétiquement à leur milieu maritime. Fidèles à la forme humaine d'origine, les Technos ont choisi les machines pour assurer leur domination d'abord sur les ressources naturelles, puis sur tous les habitants de la planète. Mais les conseils des cités océanides ont décidé de passer à l'action violente pour inverser le cours de leur lent asservissement par les Technos, et ont miné leur capitale de Taranis.
C'est au cours d'une mission clandestine dans cette ville que Ja'el rencontre Isagarh Kahlenberg Isan-Ni, fille du Hiérarque Maad Kahlenberg Isan-Ni, mais en fuite devant les dogues mi-animaux, mi-humains de la police de son oncle Raksasa, qui est en train de confisquer à son profit le pouvoir qui n'est plus que nominalement celui du Hiérarque affaibli et mourant.
Pas d'originalité dans l'intrigue : Roméo et Juliette pointent leur nez, ainsi que la situation cent fois vue du bon roi qui passe pour un tyran à cause des agissements de son vilain vizir — et qui ne sera sauvé que par l'héroïsme de son héritier menacé de perdre ses droits, qui choisit la fuite et le retour triomphal. Les lecteurs d'une douzaine d'années à qui ce livre est destiné ne s'en formaliseront sans doute pas.
Un livre pour les jeunes se doit d'exhiber de bonnes intentions, et celui-ci n'en manque pas : dénonciation du racisme qui existe entre Technos et Océanides — et on y retrouve de vagues résonances du roman historique plus dense publié l'année dernière par Wintrebert, Comme un feu de sarments, situé dans l'Occitanie du début du siècle — ; critique de l'exploitation inconsidérée des ressources naturelles, ici les formes de vie de l'océan. La question de loin la plus délicate abordée par le livre est celle du terrorisme des opprimés ; est-il justifiable ou pas alors que ces derniers se réclament du respect de toute vie ? Wintrebert s'en tire de façon un peu facile en révélant en fin de partie que les bombes sont réglées pour détruire les biens sans tuer quiconque ; mais, là encore, on conçoit que la collection où elle opère ne soit pas le lieu d'un étalage d'ambiguïtés. Un regret : qu'il n'y ait pas eu plus d'approfondissement de cette fonction sociale d'Imagineur (sorte de sondeur télépathe) qui tient une telle importance chez les Océanides.
Restent les péripéties et les paysages ; et ceux-là sont particulièrement soignés, avec de superbes pages de descriptions des villes et d'animaux marins, comme ces “ombres” qui, correctement cajolées, fournissent leur ambre à l'odeur incroyablement puissante. Sans parler du fabuleux Kraken, qui fait figure de monde en lui-même. Le ton des dialogues entre Ja'el et Isagarh est toujours vif, avec les réparties taquines que l'on connaît à Wintrebert. Un livre agréable — recommandez-le à vos enfants, à vos neveux et nièces…