Keep Watching the Skies! nº 44, août 2002
Nalo Hopkinson : la Ronde des esprits
(Brown girl in the ring)
roman fantastique ~ chroniqué par Noé Gaillard
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Vous êtes bien sûr libres de trouver la couverture peu engageante, mais surtout qu'elle ne vous arrête pas dans votre élan d'achat. Lisez plutôt la quatrième de couverture qui signale que ce roman et son auteur ont reçu deux récompenses — on n'ose imaginer deux jurys se trompant lourdement. Il vous sera peut-être difficile d'entrer dans le livre : l'attaque est assez violente, à l'instar de tous les personnages, même les enfants. Nalo Hopkinson ne présente que des individus sur la défensive, installés dans la survie pénible et guère valorisante. Les personnages de ce roman, même ceux qui paraissent disposer d'un pouvoir, sont aussi fragiles les uns que les autres.
Ti-Jeanne voudrait bien quitter le Toronto en ruine, Tony voudrait échapper à l'emprise de Rudy qui lui voudrait conserver voire accroître son pouvoir. Mais comme dans une mythologie aussi enracinée que celle de la Jamaïque, une mythologie grecque par exemple, les dieux chevauchent les humains et les aident ou s'en servent… selon la demande et sa formulation par l'humain. Nalo Hopkinson, pour corser ou justifier son roman, a adouci les conflits divins — on remarquera que généralement ceux-ci précèdent les conflits humains — en les résumant à une opposition vague d'éléments, pour mieux exagérer les deux autres “points de vue”. D'une part elle fait du principal ennemi de Ti-Jeanne son grand-père, responsable de la folie de sa mère et de la mort de sa grand-mère, donc conflit familial, d'autre part elle présente initialement Ti-Jeanne comme révulsée par les pouvoirs de guérisseuse et de “sorcière” que sa grand-mère puis les “dieux” veulent lui donner… et qu'elle obtient pour les maîtriser avec une certaine sagesse, mais pas sans un certain conflit intérieur. Conflit répercuté par les parois de la vallée où elle se débat : d'un côté un Tony qu'elle aime et sensuel mais qui n'est qu'un petit salaud, de l'autre l'enfant qu'elle a eu de Tony et qu'elle adore. Ajoutez pour faire bon poids des exergues de chapitres tirés de comptines — on les imagine chantées par un Nick Cave bien allumé. Et vous obtenez un roman que l'on refuse d'abandonner avant d'avoir lu le dernier mot.
On espère que ce premier roman trouvera son public et un public pour nous permettre aux responsables éditoriaux français de mettre en chantier la traduction d'un deuxième du même auteur.