Keep Watching the Skies! nº 49, juillet 2004
Philippe Curval : Blanc comme l'ombre
roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Noé Gaillard
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Quelque part dans un de ses carnets de voyages, Francis Valéry parle de « bonne littérature » en disant qu'elle ne peut qu'être l'œuvre de gens cultivés — je cite de mémoire bien sûr. Curval comme d'autres — je n'en dresserai pas la liste par crainte de fâcher — fait partie de ces gens cultivés qui utilisent leur talent et leur travail d'auteurs pour nous faire partager un peu de leur culture. Je ne vous raconterai pas la fin de l'histoire ; sachez seulement qu'il est question de conflit entre extraterrestres à propos de ce qui précède le Big Bang, et bien sûr de personnages humains. Je vous parlerai plutôt des éléments culturels qui sautent ou peuvent sauter aux yeux du lecteur. Attention, il n'est nullement question de faire étalage de mes propres références, ni de culpabiliser ceux qui ne les auraient pas vues, ni de ne pas vous donner envie de lire ce livre.
C'est sans doute un des effets de la couverture et des traits de l'homme gommés par le trop de lumière mais j'ai immédiatement pensé à Robbe-Grillet. La lecture a confirmé, avec une impression de scènes répétées, avec à chaque fois un élément différent et/ou supplémentaire. Comme dans les Gommes de Robbe-Grillet avec aussi des allusions à des complots, des sociétés occultes, la force du pouvoir… et comme pour accentuer l'effet une référence à Nagasaki — Hiroshima ou Marienbad aurait sans doute été trop voyant. S'il n'y avait cette histoire de SF et de conflit d'extraterrestres, on pourrait facilement se croire dans un nouveau roman, dans un exercice de style au point que la SF semble ici plaquée sur le reste. Deux personnages en quête d'identité m'ont fait penser à Orson Welles et à trois de ses films : Citizen Kane, M. Arkadin et le Procès. Pour les deux premiers le rapport à l'enquête, la quête d'identité semble évident, pour le troisième l'absurdité du sort réservé à l'enquêteur renvoie bien à l'univers de Kafka.
Oh ! Oh ! Oh ! s'écrie le lecteur presque disposé à parler de pédanterie, à quoi sert cet étalage ? À quoi me servent des références redondantes à des œuvres que je ne connais pas ? Et le vieux prof, un peu naïf, de répondre : mais à piquer ta curiosité, à te donner envie d'aller vérifier mes dires. À ajouter quelques références à celles dont tu disposes… Et l'insolent qui n'en est plus à une incivilité près d'ajouter : Et à toi elles servent à quoi tes réf. ? À prendre un coup de vieux ? Pourquoi pas ? réponse conciliante. À me faire plaisir, à me donner l'impression d'être entre gens de bonne compagnie… Mais ce n'est pas grave. Curval sait raconter des histoires cultivées au lecteur en train de se fabriquer une culture et son livre peut rester l'histoire d'individu habité qui cherche à comprendre, se découvre autre et parvient à faire triompher sa vérité et à libérer sa “dulcinée”. Curval sait raconter sans ennuyer un seul instant et en donnant le plaisir de participer à un partage…