Keep Watching the Skies! nº 56, janvier 2007
Jean-Pierre Andrevon : Buveurs de vie
roman de Science-Fiction pour la jeunesse
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Commençons par l'accessoire : pourquoi affubler de l'épithète “classique” un inédit1 ? Pourquoi vendre relativement cher (pour une novella de moins de cent pages) un texte destiné aux adolescents, qui pourrait même viser le public des cités dites sensibles ? Je suppose que le second point s'explique par les contraintes économiques subies par l'éditeur, nouveau venu qui fait ma foi un travail très attrayant2.
Fabien vit avec sa mère divorcée dans une cité sans espoir de la banlieue de Grenoble. Au collège, ses copains (Kofi, Merzouk, Ludo…) sont des jeunes sympas, mais souvent mêlés à une “embrouille” ou une autre, et leur plus grande peur, c'est qu'une patrouille de police leur tombe sur la tronche. Et justement, une rumeur redoutable rôde dans les rues : il y aurait de nouveaux keufs dans la cité, que personne ne connaît et qui ne présentent pas au juge les mecs qu'ils serrent — ils les font carrément disparaître. Quand le petit ami de sa voisine Chafia ne se présente pas à une répétition de théâtre à la MJC, Fabien se trouve entraîné dans une enquête aussi surprenante que dangereuse.
Le lecteur rompu à la S.-F. aura compris dès le titre qu'on aura affaire à quelque chose comme des vampires de l'espace — et l'habitué d'Andrevon se doute bien qu'ils ne seront pas au centre du livre. En fait, quand on les croise finalement, leur description me fait penser aux Wamps d'Henri Vernes ; et les scènes les plus S.-F. du livre ont comme le même parfum que les pastiches de Bob Morane avec lesquels Francis Valéry nous régalait il y a quelques années. L'essentiel n'est pas là ; les tueurs d'outre-espace servent surtout de révélateur aux relations humaines (plutôt positives) qui existent dans la cité. En fait, c'est un Andrevon franchement rassérénant qu'on découvre ici, qui s'emploie à dessiner l'espoir sur le fond de grisaille d'un quartier méprisé par le bourgeois. Beaucoup de touches de couleur locale, naturellement, avec un verlan que je ne peux m'empêcher de trouver parfois invraisemblable3. Des portraits esquissés en quelques traits de figures incontournables, le bistrotier sympa, l'îlotier, le “grand frère” animateur culturel… Ça pourrait être politiquement correct jusqu'à l'écœurement — mais c'est touchant, faites confiance au talent et au métier d'Andrevon. Fans d'Andrevon ou autres, ne laissez pas passer ce bref roman.
Notes
- Il semble que ce texte ait déjà paru précédemment sous le titre de Kofi et les buveurs de vie — Note de Quarante-Deux↑
- Cf. chronique du livre d'Irène Delse, l'Héritier du tigre.↑
- Parce que plus orthographique que phonétique. Mais qu'en sais-je ? Je laisse l'appréciation de la vraisemblance idiomatique à de plus français que moi.↑