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Keep Watching the Skies! nº 57, août 2007

John Farris : Pouvoir

(the Fury and the power)

roman fantastique

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chronique par Philippe Paygnard

Après avoir été obligée d'utiliser ses prodigieux pouvoirs psychiques pour empêcher un attentat nucléaire sur le sol américain, Eden Waring cherche à retrouver un bienheureux anonymat. Cachée chez ses amis Tom Sherard et Bertie Nkambe, au fin fond du Kenya, elle ne tarde pourtant pas à découvrir qu'un adversaire, encore plus terrifiant que ceux qu'elle a déjà vaincus, est sur sa trace. Pire encore, elle découvre qu'il a désespérément besoin de ses pouvoirs et de son corps pour enfanter un héritier qui, gorgé de puissance et de force magique, dominera le monde. Eden et ses alliés n'ont d'autre choix que d'affronter cette vivante incarnation du Mal avant qu'elle ne puisse atteindre ses buts maléfiques.

Malgré l'étiquette "Policier" attribuée à cette édition de poche — qui succède tout naturellement à l'étiquette "Thrillers" de l'édition grand format en 2005 —, Pouvoir est un roman fantastique pur et dur. Il s'agit plus précisément du troisième volet du Cycle des Pouvoirs que le romancier John Farris a inauguré, en 1976. Dans Furie, le tout premier chapitre de cette saga1, il mettait en place, avec brio et efficacité, les éléments fondateurs de son univers, à commencer par ces dévastateurs pouvoirs psychiques qu'un hasard malicieux semble avoir offert à certains humains. Ce sont ces mêmes pouvoirs, utilisés à des fins maléfiques, qui transforment le territoire américain en véritable zone de guerre dans Terreur, second volume du cycle, publié en 2001. Avec ce troisième opus, l'affrontement prend une dimension planétaire puisque le Mal incarné envoie ses sbires (de simples humains transformés en véritables machines à tuer) assassiner des leaders religieux et spirituels à travers le globe (parmi lesquels le pape Jean XXIV).

Même si l'on ne s'ennuie guère à la lecture de Pouvoir, force est de constater que ce troisième roman du Cycle des Pouvoirs est peut-être déjà le livre de trop. Pouvoir aurait ainsi pu constituer la conclusion bienvenue d'une trilogie qui avait plutôt bien commencé avec Furie, avant de s'engluer dans un mélange de conspiration politico-nucléaire dans Terreur. Hélas, John Farris, aujourd'hui âgé de soixante-dix ans, semble décidé à poursuivre son Cycle des Pouvoirs bien au-delà de ce troisième volet. Assurément, tout n'est pas mauvais dans ce roman, mais cet ouvrage se révèle beaucoup trop touffu, presque confus, foisonnant de personnages que Farris ne prend d'ailleurs presque pas le temps de faire apprécier à ses lecteurs tant il semble pressé de leur faire connaître une fin atroce — je pense ici tout particulièrement à Courtney Shyla qui apparaît page 418 et disparaît tragiquement page 464. Quant à la conclusion de Pouvoir, elle ne laisse subsister aucun doute sur l'imminence d'un duel — que l'on peut cette fois espérer final — entre le Mal incarné d'un côté et Eden Waring de l'autre.

Enfin, il est évident que la phrase de Stephen King, mise en exergue en quatrième de couverture2, indiquant que « John Farris est le premier romancier de Terreur… » et que « Personne ne peut l'égaler. » était certainement incontestable lorsque Farris écrivait Furie. Il s'agissait alors d'une œuvre forte, innovante, qui était tout à fait dans l'air du temps3. Ce n'est hélas plus le cas aujourd'hui car, malgré la foultitude d'actions et de personnages qu'il offre à suivre, parfois même sur différents plans de réalité, ce Pouvoir manque sérieusement d'intensité dramatique et n'a rien d'effrayant ou de surprenant. Autant ignorer cette suite inutile et se replonger dans la Furie des origines, qu'il s'agisse du roman de John Farris4 ou bien de son adaptation filmée par Brian De Palma.

Notes

  1. Furie a été adapté au cinéma dès 1978 par le réalisateur Brian De Palma, sur un scénario signé de John Farris lui-même, avec Kirk Douglas, John Cassavetes, Amy Irving et Andrew Stevens dans les rôles principaux.
  2. Cette phrase élogieuse de Stephen King a d'ailleurs déjà été utilisée pour les diverses éditions françaises de Furie et Terreur.
  3. Les pouvoirs psychiques et les conséquences dramatiques de leur utilisation constituent ainsi le cœur des romans Carrie (1974) et Firestarter (1980) de Stephen King, comme du film Scanners (1980) mis en scène par David Cronenberg.
  4. Traduit par Gilles Goullet, Furie a été publié par les éditions Denoël en 2003, puis en collection "Folio Policier" en 2004.