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La petite chronique de nuit de Philippe Curval

Galaxie 140, janvier 1976

Werner Herzog : l'Énigme de Kaspar Hauser

Pierre Jean Brouillaud: Tellur

Neal Barrett, Jr. : Formes sous tension

D.G. Compton : l'Incurable

Daniel F. Galouye : l'Homme infini

Une lettre de Dominique Douay à propos de mon avant-dernière chronique. En gros, il me reproche d'abord de faire un mauvais sort aux « jeunes loups aux dents longues » au bénéfice des « vieux chiens aux dents molles ». Ceci à propos de la circulation des ragots qui me paraît néfaste. Certes, les bruits se diffusent plus vite à mesure que l'âge des impétrants augmente, mais ce sont plus souvent les premiers qui éprouvent le besoin de les créer. Secundo, au sujet des rapports forme-fond de la littérature de Science-Fiction (et des autres), Dominique Douay pense que je suis un peu trop manichéen en condamnant systématiquement les recherches stylistiques. Il y a des textes où la forme éclatée, par exemple, peut servir le fond, l'exacerber. Parfaitement de son avis, à condition que l'éclatement soit maîtrisé.

Il est évident qu'en attaquant j'oubliais mes arrières. Cette chronique n'a pas pour but de démolir tout ce qu'il y a de nouveau dans le domaine, mais simplement d'attirer l'attention sur des tendances, de dire, dans certains cas, pourquoi elles ne me semblent pas de bon aloi. Et l'aloi, c'est la loi. Merci Dominique de m'avoir permis cette rectification.

Pour tous ceux qui s'intéressent à la SF marginale, c'est-à-dire à celle qui s'insinue par tous les pores dans les films, la musique, les arts plastiques, je me permettrai de recommander l'Énigme de Kaspar Hauser, de Werner Herzog. Voila un cas qui ne manquera pas d'intriguer les amateurs de topologie subversive, un très beau film qui fait définitivement la nuit sur l'une des affaires qui secoua jadis le monde romantique. Il s'agit de l'apparition, en plein milieu d'un village allemand, d'un individu adulte sans mémoire, sans passé, sans langage. Des centaines de textes ont été consacrés à éclaircir cette histoire. Le film d'Herzog me paraît particulièrement obscurcissant. Voilà qui est salutaire. Au lieu de se livrer à n'importe quel vagabondage mystico-extraterrestre mis à la mode par le sinistre et défunt Planète, Herzog fait un reportage minutieux sur cet homme-mystère. Et, pour l'incarner, il a recours à un certain Bruno S…, personnage réel qui vécut toute son enfance et son adolescence enfermé dans une chambre. Le film est donc une sorte de psychodrame où l'on assiste à l'évolution de Kaspar Hauser — Bruno S… depuis le moment où il est extirpé d'une sombre prison où il semble avoir passé les premières années de sa vie pour être jeté, tout démuni de sociabilité, dans son village allemand. C'est alors l'apprentissage du langage et, par lui, l'apprentissage du monde des hommes auquel Kaspar n'a jamais été initié. À mesure que ses connaissances se précisent, cet homme-enfant en vient à refuser une quantité de règles relatives à l'éducation, la famille, la patrie, la religion. Ceux qui l'interrogent sont saisis par cet être étrange et divergent d'opinions. Il représente la face cachée de l'humanité. Film décapant, déroutant, dépaysant fait de brèves séquences sans introduction ni conclusion, un peu à la manière de la vie même du personnage, l'Énigme de Kaspar Hauser lève un coin du voile sur ce que pourraient être des extraterrestres : des humains, comme nous, mais qui ne comprendraient rien à notre manière de vivre, car ils ignoreraient tout de cette construction arbitraire qu'est notre culture, que sont nos sociétés, pures images fantasmatiques créées de toutes pièces à partir d'axiomes absurdes.

N'hésitez pas, amateurs d'étrange, voici des chasses subtiles.

L'auteur français qui fleurit avec l'automne, c'est Pierre Jean Brouillaud, et son premier livre de SF, Tellur. Qui est Pierre Jean Brouillaud ? Lisons le prière d'insérer : journaliste, puis traducteur, il a déjà publié deux recueils de nouvelles et un roman qui semblent avoir été favorablement accueillis par la critique pour leurs qualités, à la fois de rigueur et d'imagination. Traquant le fantastique à travers le quotidien, Pierre Jean Brouillaud était tout naturellement mûr pour écrire de la Science-Fiction, c'est ce qu'il a fait et je crois qu'il a bien fait.

Son recueil, car il s'agit dansTellur de deux nouvelles et d'un court roman, souffre pourtant de plusieurs sortes de défauts. Le souffle un peu court, d'abord ; la formule choisie ne me semble pas bonne. Un vrai recueil de nouvelles montre tout l'éventail des qualités d'un écrivain, nous renseigne sur la fécondité de son imagination, sur ses pratiques d'écriture ; un roman nous assure de sa maturité, de son pouvoir de création. Mais dans ce cas, on se trouve le cul assis entre deux chaises. Aussi ferai-je pour lui comme je l'ai fait pour Locomotive rictus, de Joël Houssin, je ne vous parlerai que du court roman, négligeant les impératifs commerciaux de cette formule bâtarde.

Le deuxième défaut pourrait aussi bien être une qualité, je pense ici à l'excellence du style de Pierre Jean Brouillaud, à la très réelle beauté de sa langue, claire, précise, sans fausses fioritures ; nul doute, voici une recrue de choix pour la SF française ; pourtant, il est évident qu'ici cette perfection lui nuit un peu. Dans son Tellur, les idées de Pierre Jean Brouillaud couvent un peu sous la cendre des mots, elles mitonnent dans le doux brasier des phrases. Il manque un peu de boung, de bang, pour que le récit s'impose avec une force réelle, pour que l'insolite nous percute de plein fouet. Un certain effort semble nécessaire pour que le ton noble de l'écriture (est-ce la troisième personne du singulier au présent qui donne cette impression ?) ne nous rebute, mais, vite, les dix premières pages passées, cela s'enclenche, on pénètre dans l'univers climatisé de Brouillaud.

Tellur va avoir trente ans ; c'est l'âge fatal dans cette société future, dans cette ville de Nucléon où les hommes vivent librement durant leur jeunesse et partent pour une retraite obscure et laborieuse dès la trentaine passée. Comment fuir, comment échapper à ce sort douloureux ? Tellur ne peut accepter. Peut-il se révolter ?

Il se livre alors à une longue enquête à travers la ville, pour découvrir l'itinéraire de la liberté. Réflexion sur le temps, sur l'inexorable moment ou l'homme bascule de la jeunesse vers la vieillesse, Tellur est aussi une intelligente exploration des mythes qui opposent d'une manière toute artificielle ceux qui viennent de naître à ceux qui vont mourir. Peut-être manque-t-il un peu de folie à tout cela ; pourtant, par son côté insidieux, l'audacieuse extrapolation de Pierre Jean Brouillaud nous entraîne progressivement vers cet au-delà de la réalité que doit évoquer tout bon roman de SF. Cet univers où l'envers ne vaut pas obligatoirement l'endroit, où les miroirs ne réfléchissent pas exactement ce qu'on attend d'eux, où la réciproque n'est pas toujours vraie et vice-versa.

Tout à fait à l'opposé de cette SF feutrée, voici le tout dernier-né (il ne le sera probablement plus à l'époque où vous lirez cette chronique) de "Galaxie-bis", Formes sous tension de Neil Barrett Jr. C'est ce que j'appellerai de la SF en vadrouille. Après Jack Vance, ce volume consacre la renaissance de la collection. Je n'ai pas l'honneur de connaitre Neil Barrett Jr. Je ne connais d'ailleurs ni son père ni ses ancêtres directs, je ne connais pas non plus son âge, mais je salue ici sa jeune et fraîche imagination. Voici un livre de poésie baroque où la manière saugrenue d'envisager les choses n'exclut pas une exigence logique. De quoi ronronner.

Un certain Andrew fait un naufrage sur une planète sans nom. « Quoi que puisse être ce monde, il ne donnait pas dans le tape-à-l'œil. Brun foncé, brun terre de Sienne, gris, sépia, fauve et kaki, c'était une palette vraiment extraordinaire : un pays de cocagne pour les daltoniens. »

Pourtant, si cette planète joue sur un camaïeu de teintes neutres, les créatures qui la peuplent paraissent plus colorées ; il y a d'abord une sorte de bête énorme et bizarre qui absorbe la capsule de sauvetage du naufragé et le prive définitivement de son identité de terrien. Puis des extraterrestres qui parlent anglais (et français dans la traduction) ; donc ce Phretci polyglotte possède une drôle d'apparence lui aussi ; plutôt informe, vilain, mais sympathique. Il aide Andrew à se nourrir et à survivre. Tout est très simple ici et le paysage n'est pas compliqué non plus. Le temps paraît incongru dans un monde où les choses n'ont pas de durée significative. Andrew s'interroge : doit-il s'affirmer comme un être humain à part entière et tenter de prendre en main cet univers un peu mou ou se laisser séduire par son absurdité apparente !

« Je n'avais jamais laissé au hasard le soin de guider ma vie. « Trouve un but et travaille dans ce sens ! » « Décide de ce qu'il faut faire et fais le ! » tels étaient mes principes. Je me retrouvais cependant dans une situation où échafauder des plans sur l'avenir était à la limite du ridicule. »

Ainsi pense Andrew en présence de cette organisation simpliste à laquelle il se trouve confronté, face à cette géographie dessinée par un enfant, à ces créatures visiblement limitées par leur imagination. Dans un monde aussi construit, aussi élastique, aussi imperméable, il n'y a qu'une façon de survivre, s'adapter. C'est ce que tente de faire Andrew. Et Neil Barrett Jr., lui-même prisonnier du cauchemar qu'il vient d'enfanter. Itinéraire baroque où vient souffler le vent du saugrenu.

Ce que j'aime, dans ce Formes sous tension, c'est ce corps à corps éperdu avec la réalité qui fuit, avec la vérité qui se déplace, la logique qui dérange. Un jeu difficile où tous les coups ne sont pas permis et où Neil Barrett Jr sinue avec infiniment de subtilité.

Troisième volet de cette chronique, le Calmann-Lévy de la rentrée, l'Incurable, (Katherine Mortenhoe) de D.G. Compton. D.G. Compton est l'un des auteurs anglais dont Robert Louit a le secret et qui écrit exclusivement de la Science-Fiction depuis plus de dix ans. Cet Incurable est d'ailleurs l'un de ses neufs romans de SF. À preuve qu'on ne connaît pas tout dans notre beau pays puisque des nébuleuses littéraires se développent d'une manière considérable sans qu'on en ait eu vent. Ne serait-ce que pour cela, la parution de l'Incurable s'avérait indispensable.

Tout de suite, il faut le dire, D.G. Compton est un auteur réellement original, un écrivain parfaitement maître de son style. Son récit est implanté dans la vie la plus immédiate, un futur à peine différent de notre présent ; seuls certains détails grossis à la loupe en font un univers qui ne ressemble pas exactement à la réalité. Vous vous dites alors : « Ah ! un auteur anglais, on connaît ça ! Encore une catastrophe minutieusement décrite ! » Non, D.G. Compton est un auteur anglais qui trahit lâchement la littérature de SF anglaise. Et cela, grâce à son style très bizarre où l'on glisse insensiblement d'une pensée à l'autre à l'intérieur d'une même phrase, où les idées, très légèrement décalées, donnent une impression d'irréalité, de flou. Lisez par exemple ce dialogue significatif où l'auteur trafique les phrases, décale l'intention, les idées, où les répliques s'imbriquent les unes dans les autres de manière à créer un léger malaise :

« Je vais mourir, dit-elle (Katherine Mortenhoe)
—  Vous ne m'auriez pas appelé si vous en étiez vraiment convaincue. Qu'avez-vous pris ?
—  J'ai pris ombrage.
— Croyez-moi, ma fille, l'angoisse du jour n'est plus que le souvenir du lendemain… »

Toute la psychologie des personnages de l'Incurable est conditionnée par cette écriture, leur évolution est purement, totalement littéraire.

Katherine Mortenhoe va mourir, le Dr Mason vient de lui dire, d'une étrange maladie, causée par une hypersensibilité génétique, dont une nausée psychologique serait la conséquence. Un véritable phénomène de rejet de l'ego par le corps qui va provoquer une lente et atroce dégradation cellulaire, des spasmes nerveux intolérables. Katherine n'en a plus que pour quatre semaines.

Mais dans cette société où vit Katherine, société soumise à la profonde misanthropie de l'auteur, il y a peu de place pour l'espérance. Tout y est conditionné par l'image, tout est pris en main par la télévision, même la maladie, même la mort.

« Les situations désespérées mènent aux solutions désespérées, dit-elle.
—  Pas forcément, la plupart du temps les situations désespérées ne mènent qu'au désespoir, lui répond-on. »

Et c'est bien ce que lui propose la T.V.N., la plus grande compagnie de télévision, de filmer heure par heure cette lente et irrémédiable approche de la mort qu'on lui a prédite. Katherine n'envisage pas que ce soit possible. Elle refuse. Mais la T.V.N. a des armes secrètes, Rod, l'homme-caméra : tout ce qu'il voit est reproduit sur les écrans du monde entier. C'est le voyeur absolu. « Un sol sur lequel on ne marcherait jamais resterait abstrait, supportable, pense Katherine. » Cette mort qu'on lui assure n'est tolérable que si elle est vécue intensément. Elle signe le contrat avec la T.V.N. et abandonne situation, mari, appartement, pour tenter de vivre une dernière fois en toute liberté, loin de cet environnement artificiel que la société a créé pour elle et qui lui maintenait la tête hors de l'eau. Katherine veut couler, solitaire, se noyer dans l'océan de cette civilisation qui a toujours rejeté ses aspirations les plus secrètes. Peut-être découvrira-t-elle la vérité avant de mourir.

Mais Rod la prend en chasse, chacun de ses instants de liberté sera filmé.

Sur ce thème simple, brutal, D.G. Compton a écrit un très intéressant et un très inégal roman. Prisonnier de son écriture, enfermé dans les limites très rigoureuses de son histoire, il arrive que Compton écrive des chapitres entiers qui tournent à vide, où les héros s'enlisent dans les phrases, des chapitres à blanc. Par contre, il y a des moments d'amplitude extraordinaire où Compton atteint au chef-d'œuvre.

Jamais, peut-être, depuis le sublime Passage de Jean Reverzy, je n'ai lu un livre sur la mort qui sache toucher parfois à une telle intensité. Ce sujet suprême, ce sujet tabou exige une grande rigueur pour atteindre toute sa plénitude. Ici, l'agonie de Katherine Mortenhoe n'emprunte pas les chemins faciles de la mélancolie ; quand D.G. Compton parle de mort, il s'agit d'une réalité physique épouvantable et que multiplient, que potentialisent ces milliers d'écrans qui brillent dans la pénombre des appartements calfeutrés. L'Incurable n'est pas un livre de plus sur la mort, c'est un livre de moins sur la liste de ceux qui sont à écrire et, sur un tel sujet, je crois que c'est cela qui compte.

Et, pour terminer, parlons Galouye. Je dis parlons Galouye comme on dit parlons basque ou parlons hottentot. Car le Galouye est une langue qui se pratique entre initiés. Les textes en Galouye sont rares, à peine une vingtaine de nouvelles traduites en français et trois romans. C'est ce qui explique l'aspect confidentiel de l'œuvre, sans doute essentielle dans l'histoire de la SF. Peu connue cependant, car peu de gens ont le courage d'apprendre une langue pour ne lire que quelques textes. Or donc, Galouye et son prophète Daniel (Riche) viennent de faire paraître leur dernier roman chez Émile Opta. Je n'en suis pas encore revenu ; il s'agit du premier ouvrage de cosmothéotropie et je dois avouer que cette science m'échappe encore. Galouye s'y livre à une mise en question totale de la création.

« La création, infiniment complexe dans ses concepts, ses desseins, ses fonctions. Alors que la simplicité eût pu constituer l'ordre permanent de toutes choses… peut-être la simplicité est-elle lassante et ennuyeuse ? »

Car, pour Galouye, la création, si ennuyeuse fût-elle, n'est pas due à un pur hasard physico-chimique, pour lui, le diable et le bon dieu existent, et là, nous différons totalement de point de vue. Car, qu'ils s'appellent comme dans l'Homme infini, « Celui Qui Se Défie De Lui-Même peut vaincre Celui Défié par Lui-Même » ou « Brahma, Odin, Jupiter, Lucifer, Yaveh, Sivam , Allah », ces divinités faisantes et malfaisantes sont toutes génératrices de religions et de curés, ce qui provoque en moi une hilarité d'ordre pataphysique. J'ai donc eu beaucoup de mal à me contenir jusqu'au bout en lisant cet Homme infini.

Pourtant, malgré ses connotations burlesques, cet authentique suspense, « Galouye s'affranchira-t-il de l'alternative Dieu-Diable ? », grouille d'idées séduisantes qui m'ont permis de l'achever.

Quel est donc cet Homme infini ? Il s'appelle Bradford. Des savants le découvrent par hasard en recherchant une source spontanée de neutrons pour expliquer la Création. À lui seul, il en fabrique des tonnes. Mais il est drogué jusqu'à la moëlle et il s'avère qu'il est possédé par une Force (voir plus haut). Cette Force est-elle créatrice ou destructrice ? C'est à résoudre cette question que vont s'attacher les savants qui ont trouvé Bradford. Et, comme Daniel Galouye sait être tout à fait génial, son Homme infini comporte un grand nombre de situations de Science-Fiction déroutantes et sublimes. Ainsi, quand on s'aperçoit un jour que le nombre Pi n'est plus irrationnel et qu'il s'arrête à la 323e décimale, les implications que provoque cette proposition sont si vertigineuses que j'ai dû m'arrêter pendant quelques heures pour retrouver mon équilibre. Je ne cite que celle-là pour ne pas vous déflorer les autres. Par ailleurs, le roman est rigoureux, progressif, logique. Il suffit d'accepter la proposition de départ pour se retrouver à la fin comme si on avait personnellement vécu l'histoire. Donc, si vous n'avez pas peur de croire en Dieu, embarquez-vous vers l'infini à bord de Drofdarb, le Vaisseau inverse. En confidence, j'ai découvert une sorte de consolation en lisant ce petit dialogue de la page 145 :

« Vous voulez dire, l'interrompit le journaliste, que le fardeau devient trop lourd à porter ? Que nous sommes tous plus ou moins — comment dire ? — au bout du rouleau à cause de toutes ces contraintes politiques, sociales, des menaces de cataclysme nucléaire. de l'insécurité économique…
—  C'est un diagnostic tout à fait réaliste, répondit un autre personnage. Inconsciemment notre culture est arrivée au point de rupture.
— Oui, exactement, reprit Brightley, à un tel stade critique, le moindre petit choc suffit à déclencher une réaction en chaîne… »

Ces quelques phrases m'ont rassuré. Daniel Galouye, dans son délire cosmothéotropique n'a pas tout à fait perdu la raison et, s'il s'est laissé emporter par le souffle du mysticisme, il demeure encore parfaitement conscient du fait que la fin du monde n'est pas un problème insoluble pour les humains, sans le secours d'une divinité quelconque. Même s'il s'agit de construire des planètes cubiques tournant sur des orbites carrées.

Un mot pour finir de Métal hurlant et de ses productions [1]. La revue continue sur sa lancée et semble se faire peu à peu un public solide. Et c'est bien car, si les scénarios des B.D. demeurent toujours faibles — ce n'est plus moi qui le dis mais Mœbius qui le proclame dans son éditorial du numéro 4 — les images deviennent chaque fois plus belles. Après tout peut-être est-ce la bonne voie, des tremplins à rêve de cette qualité valent bien qu'on se passe de mots. Alors, silence, on plane ?

Notes

[1] Deux grands albums, Rolf, par Corben, vrai chef-d'œuvre, et Jason Muller, par Auclair.