Chroniques de Philippe Curval

Adam Johnson : des Parasites comme nous

(Parasites like us, 2003)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :
Nous, les fossiles

Pour dénicher un roman original dans l'océan des parutions de cette rentrée, le plus simple est de choisir la collection "Lunes d'encre". Des Parasites comme nous, qui vient d'y paraître, m'en semble la preuve évidente. Adam Johnson, connu pour un seul recueil de nouvelles publié en France, Emporium, s'y révèle comme l'un des écrivains les plus attachants de ces dernières années.

L'histoire secrète de chacun d'entre nous depuis le commencement de l'Humanité laisse toujours une trace qu'un de nos descendants est capable de découvrir dans le plus lointain futur. Mais cette forme implacable de machine à remonter le temps fossile porte peut-être en elle des conséquences incalculables, voire redoutables. Sur ce thème obsessionnel, Johnson nous livre un récit d'une ironie jubilatoire où la spéculation scientifique est sans cesse remise en question par le constat accablé de notre époque brouillonne, notre culture avachie, notre avenir sans idéal.

La découverte dans le Dakota du Sud d'un squelette éparpillé vieux de douze mille ans, par un étudiant givré qui vit comme à l'âge des cavernes, se présente comme un puzzle ; tous les morceaux seraient à leur place mais l'ensemble ne correspondrait à rien. « Cela vaut-il la peine de vivre éternellement ? » s'interroge à ce propos le professeur d'anthropologie du jeune homme, Hank Hannah, qui connut son heure de gloire pour un livre oublié sur la destruction des grands mammifères américains par les premiers envahisseurs venus d'Asie, les Clovis. Car Hannah — qui est le récitant —, ne peut faire son deuil d'une mère disparue, d'une belle-mère défunte, de ses espoirs déçus. Miné par une profonde dépression, il poursuit l'enquête. C'est dans un jeu de miroirs ou passé, présent, futur se superposent à des intermèdes oniriques ou burlesques que se résoudra l'énigme, d'une manière décapante pour l'Humanité.

Mais, plus que le dénouement étourdissant où l'auteur joue sur le “comique du désespoir”, des Parasites comme nous vaut pour sa manière de rendre tactiles les temps révolus et la nostalgie odorante.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 458, novembre 2006

Clotilde Cornut : la Revue ‘Planète’

essai, 2006

chronique par Philippe Curval, 2006

par ailleurs :

Difficile, de ne pas signaler la parution d'un essai de Clotilde Cornut, aux éditions de l'Œil du Sphinx, sur la revue Planète. Suivant d'une manière ambiguë la naissance de la Science-Fiction, ce phénomène socioculturel des années soixante connut un succès éditorial sans précédent, qui lui valut autant de volées de bois vert que de témoignages de satisfaction béate. Cet essai bien informé tente de démêler s'il s'agissait d'un canular de Jacques Bergier, d'une hallucination de Louis Pauwels, ou des deux à la fois.

Philippe Curval → le Magazine littéraire, nº 458, novembre 2006