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Vous êtes ici : Quarante-Deux KWS Sommaire du nº 13-14 Nécroville

Keep Watching the Skies! nº 13-14, juillet-août 1995

Ian McDonald : Nécroville

(Necroville | Terminal café)

roman de Science-Fiction ~ chroniqué par Ellen Herzfeld

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Texte chroniqué alors qu'il était encore inédit en français.

L'histoire se déroule sur une période de 24 heures, le 1er novembre, jour des morts. Choix significatif dans cette société totalement transformée par la nanotechnologie qui permet, entre autres miracles, la résurrection des morts. Tout le monde y a “droit”, et le nouveau corps, bien que pas totalement invulnérable, a bien des avantages sur l'ancien, vulgaire “viande” fragile et figée, mais les inconvénients sont de taille quand le défunt n'était pas assez fortuné et se retrouve dans une situation de quasi esclavage, organisée par les "corporadas" qui détiennent les secrets de la technologie utilisée. Encore heureux s'il ne se réveille pas au fin fond de l'espace sur un astéroïde dans une usine minière. Et, de toute façon, riche ou pas, les morts n'ont aucune existence légale, aucun droit, n'étant pas “humains” ; ils sont cantonnés dans des ghettos nommés Necrovilles d'où ils ne peuvent sortir que le jour, la plupart pour servir les vivants. C'est une sorte d'apartheid étrange, car ceux qui l'imposent savent bien que leur passage de l'autre côté est inéluctable. Seuls ceux qui ont été exilés dans l'espace ont réussi, par la force, à obtenir leur indépendance, et sont maintenant le noyau d'une révolution qui se veut le germe de l'étape suivante de l'évolution humaine.

Le 1er novembre, c'est carnaval, et les vivants se mêlent aux morts pour une fête baroque et débridée. Cinq personnes, du monde des vivants, doivent se retrouver au "Terminal Café" de la Necroville locale pour participer aux réjouissances bien particulières organisées par l'un d'entre eux. Mais des événements complexes se sont développés sur de multiples plans de sorte que le rendez-vous est manqué et que chaque protagoniste va vivre de son côté ces quelques heures denses et folles où tous les risques sont pris, tous les dés jetés. Chacun y trouvera le dénouement de son histoire personnelle en même temps que se déroule, avec parfois leur participation involontaire, un tournant fondamental du système social et de l'avenir de l'Humanité.

Par certains côtés, ce texte rappelle un peu "Né avec les morts" de Silverberg mais, ici, les ressuscités sont bien plus que de riches oisifs qui veulent seulement qu'on les laisse tranquille pour vaquer à leurs occupations stériles. Ici, les morts sont foisonnants de possibilités, de désirs, de violence, de projets, de créativité… de vie. Comme l'écriture de McDonald, pour laquelle le qualificatif d' “imagée” est un pâle euphémisme. Au point que parfois il en fait même trop pour moi. Le texte n'est certes jamais alourdi par des exposés pseudo-scientifiques, ni même par des explications linéaires de ce qui s'est passé et pourquoi, mais le lecteur peu attentif ou peu habitué à la SF moderne risque de perdre pied assez souvent. Il y a d'ailleurs un épisode vers la fin que j'ai relu attentivement trois fois sans réussir à discerner avec certitude ce qui s'était passé, et ce que sont devenus les personnages. Peu importe, ce livre m'a donné l'impression que l'auteur, pourtant remarqué, de Desolation Road n'était alors qu'un novice hésitant ; quelques années et quelques livres plus tard il a concocté ici un cocktail explosif dont l'inconvénient majeur est qu'il risque d'être trop fort pour certains.