KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Jérôme Camut ; Nathalie Hug : Islanova

thriller de Science-Fiction, 2017

chronique par Philippe Paygnard, 2018

par ailleurs :
 

Que faire quand on surprend sa fille, Charlie, encore mineure, au lit avec Leny, le fils tout juste majeur de sa compagne ? Il n'y a certainement aucune bonne réaction, mais celle de Julian Stark, ex-flic devenu garde forestier en Alsace, n'était définitivement pas celle qu'il fallait. Les deux enfants fuguent pour rejoindre la ZAD de l'île d'Oléron. Idéaliste, Charlie espère rencontrer Vertigo, le charismatique leader de ces militants écologistes en lutte ; Leny ne fait que suivre celle qu'il a toujours aimée comme un frère et comme un platonique amant.

Tel est le point de départ d'Islanova, le nouveau thriller de cet(te) auteur(e) bicéphale qu'est le couple Jérôme Camut et Nathalie Hug, dont l'action se déroule en 2025, dix ans après les attentats du 13 novembre 2015. Un peu à la manière de Boileau-Narcejac ou de Paul Kenny, l'entité que constitue ce duo d'écrivains entraîne ses lecteurs au cœur du mystère avec un art maîtrisé du suspense. Cela donne la tétralogie des Voies de l'ombre (de 2006 à 2011), avec le monstrueux Kurtz, vivante incarnation de la perversion humaine. Ensemble, ils inventent aussi Ilya Kalinine, digne successeur de Kurtz et ombre tutélaire des trois tomes de W3 (de 2013 à 2016). Ils complètent cette dernière trilogie d'un petit livre de poche tout simplement intitulé Ilya Kalinine (en 2017), qui permet d'avoir un autre éclairage, celui de l'assassin multirécidiviste. Le point commun de ces différentes œuvres est qu'elles laissent le temps de découvrir et d'apprécier chaque personnage, avec ses certitudes et ses failles. Avec Islanova, Camhug fait le choix de concentrer son récit en un seul et unique volume qui comprend donc plus de 770 pages de rebondissements et de réflexion, avec une large galerie de portraits allant de la famille recomposée (et décomposée) de Julian Stark, aux Zadistes et activistes de tous poils, aux représentants de l'autorité, journalistes et autres participants à la narration. À ce jeu, certains personnages ne sont finalement qu'esquissés dans des chapitres courts, et si Julian Stark bénéficie d'un traitement plutôt efficace, qui fait apparaître toutes les contradictions de cet homme fort en apparence, mais rongé de l'intérieur, ce n'est pas le cas de Charlie, et c'est bien dommage. En effet, la jeune fille, qui tout à la fois se trouve à l'origine du récit et joue le rôle de catalyseur de l'intrigue, ressemble parfois à une simple ébauche. On a l'impression qu'il lui manque une âme, même si elle est passionnée par la cause défendue par Vertigo et par sa mère biologique qu'elle retrouve sur l'île d'Oléron.

 

Il n'en reste pas moins qu'Islanova fonctionne comme un véritable page turner intégrant à la perfection, en plus des thèmes de la vengeance et de la culpabilité, les craintes liées au dérèglement climatique, les risques de conflits mondiaux engendrés par la pénurie d'eau potable en certains lieux du globe, et l'égoïsme des nantis face à des associatifs qui portent de justes revendications. La lecture d'Islanova peut être agréablement complétée par celle de Rejoins-nous dans l'Armée du 12 octobre !, un prologue diffusé gratuitement sous forme numérique qui présente certains protagonistes secondaires que l'on aperçoit dans le roman.

Bourré de bonnes intentions, solidement construit, Islanova pèche cependant par le manque d'empathie qu'inspirent la plupart des personnages principaux. Si l'on peut dire « Merci pour ce moment. » à Camhug, il aurait sans doute été encore plus satisfaisant si le duo avait laissé le temps au temps en faisant, par exemple, de ce pavé une de ces efficaces trilogies dont ils ont le secret.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 82, mai 2018

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