KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Laurent Genefort : Ce qui relie (la Trilogie de la Spire – 1)

roman de Science-Fiction, 2017

chronique par Philippe Paygnard, 2019

par ailleurs :

Après un atterrissage en catastrophe sur Arrhenius, un monde des Confins, qui a entraîné la mort d'un de leurs camarades, Lenoor et Hummel décident qu'il est grand temps de transformer leur rêve en réalité. Navis confirmés, cela fait bien longtemps qu'ils mettent leurs talents respectifs d'évaluatrice et de pilote au service des sociétés multimondiales ; ils vont donc franchir le pas et créer leur propre compagnie de transport spatial en se spécialisant sur les relations avec les planètes délaissées des Confins.

La réédition en poche de la Trilogie de la Spire, publiée à l'origine par les éditions Critic en 2017-2018, permet de lire ou de relire ce space opera totalement assumé de Laurent Genefort. Dans la droite ligne des Poul Anderson et P.J. Hérault qui imaginèrent en leur temps de véritables univers cohérents au plus profond de l'espace, le romancier poursuit, avec cette trilogie, l'exploration des mondes reliés par les mystérieuses Portes de Vangk. S'agissant tout particulièrement de la Spire, la référence à Anderson est d'autant plus évidente si l'on a lu tout ou partie du Cycle de la Hanse galactique de l'auteur américain (publiée en France au Bélial’). Comme dans ces classiques du space opera, on suit avec plaisir un petit groupe d'individus qui, portés par leur désir d'indépendance, leurs bons sentiments et leur intérêt, créent des lignes commerciales à travers l'espace colonisé par l'espèce humaine. Alors que le profit semble être le moteur principal de la Compagnie solaire des épices et liqueurs de Nicholas van Rijn, les motivations de Lenoor sont plus désintéressées. Tandis que les multimondiales gèrent les axes les plus profitables reliant les planètes de la Ceinture et de la Couronne, dans le cadre de contrats d'exclusivité qui font de leurs clients leurs débiteurs, Lenoor a une autre vision des choses. Avec une certaine naïveté, elle souhaite ainsi créer une compagnie indépendante où les Navis, ces pilotes de cargos qui passent toute leur vie en apesanteur, ne sont pas de simples employés dont on peut se débarrasser au terme de leurs engagements, mais de vrais associés participant aux décisions. En se concentrant sur les mondes des Confins oubliés par les grandes sociétés, elle espère pouvoir s'installer et se développer en toute tranquillité. Bien évidemment, dès qu'il y a de l'argent et du pouvoir en jeu, les rêves peuvent rapidement se transformer en cauchemar.

Ce premier tome du cycle de la Spire suit le processus de création de la compagnie de transport baptisée la Spire, qui veut conserver des valeurs humaines et humanistes. Comme toute œuvre de SF, même s'il s'agit de space opera, Ce qui relie s'inspire fortement du présent pour construire le futur. Si les portes de Vangk n'existent pas, les multimondiales ne sont à l'évidence que l'incarnation future des multinationales actuelles. La Ceinture et la Couronne ressemblent aux pays dits développés de notre économie mondialisée, par opposition aux Confins qui représentent les pays en développement. Dans l'univers où la Spire tente de s'implanter et de croître, l'espionnage industriel prend des formes extrêmes avec des agents physiquement améliorés et bardés d'armes, et les guerres commerciales peuvent se transformer en véritable bataille spatiale.

 

Au-delà de la genèse de cette compagnie de transport et de son évolution qui l'éloigne des rêves premiers en la confrontant aux réalités économiques, Genefort s'intéresse également aux divers mondes que la Spire va desservir au fil des chapitres. Chacune de ces planètes développe un mode de colonisation différent selon les conditions de vie locale et l'origine des colons. Cela permet au romancier d'évoquer les régimes d'apartheid (avec les Gris et les Roses de Baslic), les guerres de pouvoir au sein d'une communauté (les Edelons et les Chazars sur Encens), ainsi que les tentations et les risques d'une intervention extérieure même si elle est motivée par les meilleurs sentiments.

Afin de faire progresser son récit plus rapidement, Laurent Genefort saute parfois d'un personnage à un autre et fait intervenir des seconds rôles dont la participation se révèle alors déterminante pour l'avenir de la Spire, qui reste toujours au centre du roman. Cependant, il n'abandonne aucun des quatre membres fondateurs en chemin et c'est avec le plus grand intérêt que l'on suit leur évolution, surtout Lenoor et Hummel, jusqu'à la dernière page du dernier chapitre de ce premier volume de la Spire.

Avec sa trilogie autour de la Spire, dans son univers des portes de Vangk, Laurent Genefort offre à lire de la belle et bonne Science-Fiction.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 85, août 2019

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