KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Tade Thompson : Rosewater (la Trilogie d'Armoise – 1)

(Rosewater, 2016)

roman de Science-Fiction

chronique par Philippe Paygnard, 2020

par ailleurs :

La ville de Rosewater est née autour de cet étrange biodôme extraterrestre apparu, une vingtaine d'années plus tôt, au cœur du Nigéria. Ce dôme ne s'ouvre qu'une fois par an et dispense des guérisons inexplicables et miraculeuses à celles et ceux qui l'approchent à ce moment précis. C'est dans cette ville champignon que vit Kaaro. Il fait partie de ces dizaines de personnes qui ont acquis de mystérieux pouvoirs depuis l'arrivée de cette chose extraterrestre. Il a fallu du temps à Kaaro pour se rendre compte qu'il possédait de telles capacités. Plus jeune, il pensait que c'était la chance et d'étranges prémonitions qui lui permettaient de voler les riches et de donner aux pauvres — à commencer par lui. Il finit par découvrir que ses intuitions sont en réalité la manifestation de facultés psychiques dues à des parasites fongiques extraterrestres. Repéré par les autorités, Kaaro est contraint d'intégrer la Section 45. Grâce à ses capacités, il peut aider à lutter contre le terrorisme qui menace le pays, en lisant les pensées des suspects. Cependant, lorsque les personnes dotées de pouvoirs comme lui commencent à mourir, les choses se compliquent pour Kaaro.

Coïncidence de l'édition, deux œuvres de Tade Thompson paraissent en ce mois d'avril 2019 : le présent roman Rosewater en "Nouveaux millénaires" chez J'ai lu, et les Meurtres de Molly Southbourne, une novella en "Une heure-lumière" au Bélial’. Le romancier anglais d'origine nigériane y développe deux concepts complètement différents, l'un jouant avec les codes de la SF et l'autre avec ceux du Fantastique. On peut constater que les descriptions de la xénosphère, qui donne ses capacités spéciales à Kaaro, rappellent le cyberspace du Neuromancien de William Gibson. L'auteur américain inventait alors un univers au-delà de la réalité et du quotidien ; Thompson crée sa contrepartie fongique et lui impose de sévères limitations. Même si Kaaro peut adopter l'apparence de son choix dans ce monde virtuel, devenant assez souvent un Griffon terrifiant, il suffit de créer un environnement stérile ou d'empêcher le moindre contact physique pour priver Kaaro de tous ses pouvoirs.

Tade Thompson situe l'action de son récit en 2066 et invite à découvrir une Terre sérieusement impactée par les premières rencontres entre l'Humanité et des créatures non-humanoïdes extraterrestres. Pour aider le lecteur à mieux appréhender cet univers complexe, Thompson adopte une narration alternée, tout en conservant Kaaro comme personnage central : on passe ainsi de Kaaro enquêteur vétéran de la Section 45 à Kaaro petit voleur à la tire, puis à Kaaro agent débutant de la Section 45. Ces flashbacks permettent de faire le point sur la chronologie des contacts extraterrestres. En 1975, une première créature arrive à Lagos et survit cent six jours avant de se décomposer. En 1998, une seconde tombe près de Hambourg et disparaît au bout de dix-huit mois. En 2012, une troisième s'écrase sur Londres, puis migre vers le lieu qui devint Rosewater. Ces arrivées successives incitent les États-Unis à se replier sur eux-mêmes, s'isolant définitivement du reste du monde.

Bien évidemment, ce n'est pas parce que l'action se passe dans le futur que Tade Thompson ne profite pas de l'occasion pour évoquer le Nigéria d'aujourd'hui, avec ses richesses et ses ressources naturelles (pétrole, gaz), mais aussi ses problèmes de corruption des élites politiques, et les relations tendues entre les diverses ethnies qui composent la population.

Premier volet d'une trilogie, Rosewater fait d'abord irrésistiblement songer à un clone bio de Neuromancien, mais, au fur et à mesure des différents chapitres et flashbacks, le lecteur se retrouve face à une invasion extraterrestre qui prend la plus originale des formes. Ce n'est donc pas pour rien que Tade Thompson a obtenu le Nommo Award du meilleur roman 2017 délivré par l'African Speculative Fiction Society.

Philippe Paygnard → Keep Watching the Skies!, nº 86, mars 2020

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