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Keep Watching the Skies! nº 57, août 2007

Jean-Pierre Andrevon : le Monde enfin

roman de Science-Fiction par nouvelles

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chronique par Philippe Paygnard

Un vieil homme parcourt la France à cheval. Il est l'un des derniers survivants d'une Humanité qui se meurt sur une planète qui, à l'inverse, reprend vie. Son ultime souhait, avant cette mort qu'il sent venir à grands pas, est de voir la mer, une dernière fois. Son vieux cheval le porte, pour cette ultime balade, dans un monde presque entièrement vidé de cette Humanité arrogante qui, quarante ou cinquante ans plus tôt, croyait être parvenue au sommet de l'évolution. Au cours de son long périple, le cavalier solitaire croise ainsi les ultimes vestiges de la civilisation humaine constitués de ruines envahies par une nature débordant de vitalité, ainsi que de rares et microscopiques communautés de septuagénaires ou d'octogénaires qui, comme lui, n'ont plus que la mort en point de mire.

Écrivain prolifique et tout terrain, Jean-Pierre Andrevon alterne le bon et le meilleur. Le Monde enfin appartient clairement à la seconde catégorie puisque le nouvelliste et romancier y retrouve certains de ses thèmes de prédilection : fin du monde1, retour à la terre et préoccupations écologiques. À travers les onze “livres” qui composent le Monde enfin, sans compter le fil rouge du vieil homme à cheval, Jean-Pierre Andrevon distille quelques fragments d'une fin du monde qui apparaît finalement comme la fin de l'Humanité et la renaissance du monde naturel. Ces onze textes permettent donc d'assister aux cinquante dernières années de l'être humain sur la planète Terre à travers le destin de quelques-uns des rares survivants.

Les fidèles lecteurs de l'œuvre de Jean-Pierre Andrevon auront sans doute remarqué que certains des textes qui composent Le Monde enfin ne sont pas des inédits. Déjà parus de-ci de-là sous forme de nouvelles, mais toujours d'une redoutable actualité, ils ont été remaniés par le romancier pour construire une œuvre plus homogène. Même si certaines pièces de ce puzzle littéraire ne s'emboîtent pas à la perfection, je pense tout particulièrement à l'aventure de Bob Giordano, l'ensemble reste des plus convaincant, avec des passages emplis d'une certaine nostalgie et d'une réelle poésie. Même si la fin du monde est le thème central de ce livre, le Monde enfin ne se conclut pas par la disparition du dernier homme sur Terre, mais par ce qui ressemble à un message d'espoir désespéré puisqu'il ne subsiste plus que quatre couples pour repeupler le monde. Quatre couples que le hasard malicieux, ou bien une intervention étrangère, a dispersés aux quatre coins du globe et dont l'étrange survie donne sens à l'ultime phrase du roman : « La grande nuit qui a avalé l'Humanité n'est pas près de se lever. ».

Il existe déjà de moult fins du monde chroniquées par les grands maîtres de la S.-F.2, mais la version proposée par Jean-Pierre Andrevon est d'une grande efficacité, tout à la fois mélancolique et impitoyable pour l'homme, et pleine d'espoir pour la nature. Le Monde enfin rappelle également combien la civilisation humaine moderne peut être fragile, à la merci d'un simple virus. C'est là une préoccupation ô combien d'actualité dans un monde qui connaît, par la faute de cette Humanité inconsciente, pollutions diverses, extinction d'espèces animales, épizooties à répétition et réchauffement planétaire qui ne laissent rien présager de bon pour l'avenir dont Jean-Pierre Andrevon est un des scribes les plus zélés.

Notes

  1. Jean-Pierre Andrevon a récemment proposé une fin de l'Humanité très différente dans Zombies ou un Horizon de cendres.
  2. De Ravage (René Barjavel, 1943) au Fléau (Stephen King, 1978), en passant par Demain les chiens (Clifford D. Simak, 1952) ou Malevil (Robert Merle, 1972), de nombreux écrivains ont ainsi envisagé la fin de l'Humanité, créant par la même les sous-genres apocalyptique et post-apocalyptique popularisés au cinéma par des films comme la trilogie des Mad Max.