KWS : comptes rendus de lecture sur la Science-Fiction

Norbert Merjagnan : Treis, altitude zéro

roman de Science-Fiction, 2011

chronique par Noé Gaillard, 2012

par ailleurs :

Postulons qu'il existe trois types de lecteurs (c'est réducteur, je sais, mais laissez-moi achever) : celui qui ne s'intéresse qu'à l'histoire ; celui qui ne se passionne que pour le style, qui jubile en découvrant un vers blanc ; celui qui ne trouve son compte que lorsque style et histoire l'enthousiasment. Je vous donne un exemple. Il y a peu, j'ai lu « un vent profane » dans la Route de Cormac McCarthy et j'ai trouvé l'“image” malvenue, voire peu claire. Puis, dans le Merjagnan, j'ai trouvé « un frêle instant » et cette image-là m'a longtemps retenu. Vous aurez compris sans doute que ma chronique de ce roman risque de faire dans le genre dithyrambe.

Mais d'abord petit résumé (critique). Nous retrouvons les personnages présentés et actifs dans les Tours de Samarante, mais au lieu de se contenter d'expliciter, avant le troisième tome, les causes et les éventuelles conséquences à venir du premier épisode comme cela se fait habituellement, Merjagnan fait avancer les choses. Triple A fait corps avec le sol, Cinabre voit sa prédiction se réaliser, etc. Et une Lune se réveille. Remarque : je n'ai pas jugé bon d'aller rechercher le premier tome pour me rafraîchir la mémoire ; tout est lentement revenu au fil de la lecture. Je vous dirai bien que les péripéties ont peu d'importance, mais c'est faux. Pourtant, à certains endroits, on sent que l'auteur prend un malin plaisir à écrire ce qu'il raconte. On se trouve emporté avec lui par la description plus que par ce qui est décrit. Par ses images, ses phrases “cassées”, bizarrement construites, Merjagnan nous impose une lecture attentive. Plusieurs fois, un manque d'attention m'a contraint à relire ce que je venais de lire sans comprendre. À d'autres endroits, les images coulent comme un frais ruisseau et les personnages sont tellement attachants que vous regrettez presque de passer de l'un à l'autre ou de les voir mourir. Le style de Merjagnan a pour moi un autre intérêt : il ne donne pas l'impression d'être travaillé dans la douleur — on notera comme pour me contredire que le premier volume date de 2008, et, coïncidence, il est heureusement réédité en "Folio SF". Le lecteur attentif et qui sait repérer les balises déposées par l'auteur a, selon moi, déjà une idée de ce que lui réserve le tome 3 et dernier (espérons ne pas devoir l'attendre encore trois ans). Il a compris que le style camoufle en beauté une histoire des plus classiques de monde abandonné à lui-même et qui renaît avec l'espoir d'accéder à un niveau supérieur qu'il n'aurait jamais dû quitter…

Faites comme si je ne vous avais rien dit de l'histoire et lisez en recherchant les indices, les images denses inventées par l'auteur et vous allez voir comme ce roman est passionnant à lire.

Noé Gaillard → Keep Watching the Skies!, nº 70, février 2012

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