Carnet d'Ellen Herzfeld, catégorie Lectures

Jack McDevitt : Octavia gone

roman de Science-Fiction inédit en français, 2019

Ellen Herzfeld, billet du 3 février 2020

par ailleurs :
 

Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas accordé une petite récréation en lisant un roman de Jack McDevitt. Ici, c'est le huitième volume de la série Alex Benedict.(1)

Le prologue nous met dans l'ambiance. Une station de recherche, l'Octavia, sur laquelle quatre personnes étudiaient un trou noir et cherchaient surtout à démontrer l'existence de trous de vers (wormholes), a disparu sans prévenir. Son orbite autour du trou noir faisait qu'elle était coupée de toute communication pendant une trentaine d'heures à chaque tour, et un jour, alors qu'elle aurait dû se manifester à la fin de la période en question, elle n'a plus donné signe de vie. Donc, un vaisseau qui était dans le coin est prié d'aller voir ce qui est arrivé, et s'il y a quelque chose à faire. Il ne trouve rien du tout, sauf le gigantesque canon qui servait à la recherche. Toutes les enquêtes pour déterminer ce qui s'était passé sont restées vaines. Sont-ils tombés dans le trou noir ? Peu probable, apparemment. Ont-ils été kidnappés par des extraterrestres ? Comment savoir ?

Onze ans plus tard, on retrouve Chase et Alex, et aussi Gabe, l'oncle d'Alex et ancien patron de Chase. Il a passé trois semaines dans le vaisseau Capella qui avait disparu dans une anomalie de l'hyperespace mais qui était remonté à la surface. Le sauvetage des passagers fait partie du roman précédent, Coming home. Sauf que dans l'espace normal, il s'est passé onze ans. Gabe tente de se réadapter à sa nouvelle vie, ce qui n'est pas facile. Et Alex, qui avait hérité des biens de Gabe, supposé mort, doit aussi se réhabituer à vivre avec son oncle. Gabe s'intéresse à l'histoire et à l'archéologie (c'est-à-dire à des époques loin dans le passé pour eux, mais souvent dans le futur pour nous, car tout ça se passe près de 9000 ans dans notre avenir). Alex s'intéresse aussi à l'archéologie, mais surtout pour vendre des artefacts aux enchères à des collectionneurs privés fortunés, alors que Gabe verrait les objets en question plutôt dans un musée, visibles par tout le monde. Ce qui est une source de conflit à répétition entre les deux.

Gabe se souvient qu'il avait, dans un placard, un objet bizarre, une sorte de vase en argent avec des inscriptions dans une langue inconnue. Après la disparition de Gabe, Chase l'avait rendu à la propriétaire, Angela Harding, sœur d'un des occupants de l'Octavia perdue. Gabe pense qu'il s'agit peut-être d'un objet venant d'une civilisation inconnue et voudrait le récupérer. D'où l'une des trames du roman. Ça mène Chase et Gabe sur une planète où ils trouvent des IA qui veulent absolument que leur existence reste cachée des humains. Car les êtres qui les ont créées, des bipèdes comme les humains, étaient techniquement très avancés, mais aussi stupides et violents que les humains que nous sommes, et ils avaient réussi à quasiment exterminer tout le monde avec une arme biologique non maîtrisée. Les IA ne veulent donc plus voir l'ombre d'un bipède chez eux. Gabe et Chase aident les IA à récupérer l'une des leurs restée sur une station en orbite et promettent de ne révéler leur existence à personne.

Un élément intéressant qui traverse l'ensemble du roman est le fait que les IA font partie de la vie de tous les jours et ont des droits quasi humains dans la plupart des systèmes. La question de savoir si elles sont “vivantes” n'est pas tranchée mais semble finalement sans importance. Et quand elles deviennent obsolètes dans leur fonction principale, elles sont transférées dans des maisons de retraite où elles trouvent en principe une nouvelle activité pour continuer à être utiles. Et, dans certains endroits, on tient aussi à ce qu'elles soient heureuses. En fait, la personnalité de l'IA est liée à son support matériel et même à son système d'exploitation, comme chez les êtres biologiques. Et donc, il est impossible de faire une copie, de transférer l'IA sur un autre support ou même de mettre à jour la partie logiciel, car on se retrouve avec une nouvelle unité avec les mêmes caractéristiques mais ce n'est pas la même “personne”. Vaste sujet, qui est quand même assez souvent traité en SF avec des solutions qui varient. Ici, c'est simple et ça explique, entre autres, pourquoi il faut aller chercher physiquement l'IA dans la station en orbite au lieu de la télécharger.

De son côté, Alex se met en tête de tirer au clair l'affaire de la disparition de l'Octavia. D'où recherches diverses pour entrer en contact avec les familles et connaissances des membres de l'équipage disparu, et obtenir des renseignements qui auraient pu avoir échappé aux enquêteurs onze ans plus tôt.

Comme souvent chez McDevitt, on suit deux histoires qui se déroulent en parallèle. Le début, comme dans le roman précédent, m'a paru bien lent. Tout est décrit minutieusement, comme une enquête à la Sherlock, et le côté scientifique est soigné. Ce sont d'ailleurs bien deux enquêtes avec, pour chaque, des avancées, des culs-de-sac, des détours imprévus. Mais il faut bien arriver près du milieu du roman pour que ça commence à bouger un peu. Ensuite, ça avance bien.

J'ai, comme à chaque fois, pu constater que bien des choses ont à peine changé en 9000 ans. Certes, on circule dans des vaisseaux qui voyagent dans l'hyperespace et donc plus vite que la lumière, les communications passent également par le même chemin, mais la vie de tous les jours est peu différente de la nôtre, et en tout cas pas du tout “futuriste”. Je ne vais pas me répéter car j'ai déjà tout dit dans mon billet sur Coming home. Disons simplement que ça n'a guère changé ici, mais comme je m'y attends, je ne m'attarde pas dessus.

Et comme toujours, pas de “méchants”, pas de scènes de violence ou de gore, pas de sexe. Quand l'auteur ajoute un peu de sentimentalité, ça concerne surtout les relations familiales des personnages secondaires. Les quelques épisodes qui décrivent des relations un peu amoureuses des personnages principaux sont à peine crédibles. L'histoire pourrait tout à fait s'en passer. Au total, le monde va plutôt bien et les protagonistes peuvent vivre leur vie tranquillement en s'adonnant à leurs centres d'intérêt. Le paradis…

Dans le roman précédent, j'avais déploré que les deux trames narratives restent séparées jusqu'au bout. Je m'attendais à la même chose ici, mais non, les deux histoires se rejoignent d'une façon à laquelle je ne m'attendais pas. Je n'en dirai pas plus.

Au total, ce n'est pas de la grande littérature, mais c'est exactement ce qu'il me fallait. Je lirai sans doute le suivant, et même peut-être un de ces jours la suite de l'autre série (Priscilla Hutchins de l'Académie) dont je n'avais pas trop aimé le dernier lu, Omega.


  1. Après a Talent for war, Polaris, Seeker, the Devil's eye, Echo, Firebird & Coming home.

Commentaires

Ajouter un commentaire

Les commentaires sont publiés après validation par Quarante-Deux.